Des baby Boomers

Sur radio Notre Dame, dans l'émission  Le Grand Témoin 7h30 de ce 20 septembre, la parole était donnée à Guillaume CUCHET, professeur d’histoire contemporaine à l’université Paris-Est Créteil et spécialiste d’histoire des religions, auteur de : « Le Catholicisme a-t-il encore de l’avenir en France ? » (Seuil).
Celui-ci pense que la génération des baby boomers se différencie de toutes les autres dans la mesure où la première entre toutes elle parvient presque intacte au seuil de son élimination naturelle par la vieillesse. Effectivement, elle n’a pas connu la guerre,  pas subi d’épidémies, si bien que son effectif au bout de 65 ans est presque le même que celui qu’elle avait au début. Contrairement à tant d’autres générations qui à tel ou tel moment de leur existence ont déjà  connu la décimation sous diverses formes, elle parvient à son terme naturel presque sans avoir jamais fait l'amère expérience de la mort. Mais contrairement à toutes les précédentes, elle y parvient après avoir décroché de l’église et donc sans croire. D’où la question de savoir comment elle va évoluer dans cette phase ultime : renouera-t-elle avec la foi qu’elle a quittée, n’y renouera-t-elle pas et dans ce cas mourra-t-elle donc sans croire à rien ou bien si elle croit en quelque chose à quoi ?
Cependant de deux choses l’une, soit il y a une réalité au-delà de la mort, une réalité vivante qui s ‘appelle Dieu et dont l’église serait l’institution, soit il n’y a rien. S’il y a quelque chose comme ce que dit l’église et donc qu’elle est dans la vérité et donc qu’elle ne mérite pas de disparaître, alors ce quelque chose c’est -malheureusement- l’enfer pour ceux qui s’en sont détournés.
On pourrait donc imaginer que celui-ci commence à apparaître dans leurs rêves aux intéressés et qu’à force de se réveiller en sueur au milieu de cauchemars de plus en plus explicites, les souvenirs de leur culture religieuse leur reviennent. Ainsi pourrait-on assister à un retour massif des baby boomers dans les églises. Des foules feraient la queue devant les confessionnaux, les prêtres seraient astreints à prier sans arrêt, les pèlerinages seraient pris d’assaut et ainsi de suite.

Sous la même hypothèse, l’enfer pourrait se révéler non dans les rêves mais dans la réalité. Après tout quel sort attend les personnes âgées si ce n’est l’abandon ? François Hollande a bien insisté que le maintien à domicile était sa priorité. Pourtant rester chez soi c’est aussi risquer plus d’accidents donc être plus exposés à la dépendance. Ainsi les personnes âgées, de la génération du baby boom risquent de connaître l’enfer d’une façon beaucoup plus réelle. Elles risquent d’être confrontées comme les sans abris à un patchwork d’associations pleines de bonne volonté mais de peu d’efficacité, quand ce n’est à l’âpreté du secteur commercial : aussi bien des artisans vendant leurs interventions à prix d’or ou des résidences seniors qui ne voient en eux que la nouvelle poule aux œufs d’or. Sans parler bien-sûr de la médecine à dépassement d’honoraires aux offres de soins coûteuses et pourtant partielles ou de certains EHPAD carrément indignes.
Naturellement il ne leur viendra même pas à l’esprit de demander de l’aide car où trouver une aide désintéressée sinon du côté de Dieu qu’ils ont justement choisi d’ignorer ?
 Peut-être incombe-t-il dès lors à l’église de prévoir des structures d’accueil suffisamment bien dimensionnées pour recevoir tous ces milliers de gens. Il faudrait naturellement que ces structures de milliers de chambres soient en même temps parfaitement  visibles pour que même des personnes âgées recluses chez elles puissent en avoir connaissance et ainsi à tout moment qu’elles aient le choix ou de rester claquemurées dans leurs bicoques ou de s’y réfugier.
Mais il existe une troisième possibilité et c’est que Dieu n'existe pas, que l'église ne soit donc pas son institution et donc qu’il ne se passe rien. Avouons que c’est la pire et déjà d’avoir évoqué les deux autres nous donne de l’oxygène pour la journée.