Le 9 décembre 2021 à 21:20, HB a écrit :
La qualité des sons (numériques ou non) ne remplace pas, pour moi,
les intentions.
Selon mon expérience (de "synthésiste"... Si j'étais prétentieux, je
dirais "designer sonore", mais je ne le suis pas ! ;-)) ...c'est au-delà
de ça :
Jusqu'à la sortie du DX7, en 1983, les sons de synthés étaient "de
synthés", héritiers du Theremin et des ondes Martenot, ils jouaient sur
les aspects novateurs et inexistants dans le monde dans
l'instrumentarium "physique" : portamento, glissandos, enveloppes,
enveloppes de timbres...
Avec le DX7 (avant la démocratisation du sampling, donc) et les
nouvelles capacités de synthèse qu'il permettait est apparu le
"challenge" d'imiter au plus près certains instruments acoustiques.
Malgré de réels succès (1), il est apparu une réalité : dès qu'on est
dans de l'artificiel, il faut faire "plus vrai que vrai", et c'est
valable pour tous les domaines. Donne une réverb à manipuler en aveugle
et demande à qui tu veux de reproduire "la réverbération de la
cathédrale Notre Dame de Paris", et tu verras s'afficher après coup des
temps de réverbération ne correspondant à aucun espace *existant sur
Terre* ! En contre exemple, propose le temps de réverbération réel de
Notre Dame, et "qui-tu-veux" va trouver ça beaucoup trop court et pas du
tout réaliste. Ce serait vrai pour tout : un sorbet aux fruits juste
réalisé avec des fruits pressés paraîtra toujours moins "authentique"
que celui enrichi en arômes naturels de fruits ! (ancien combat entre
les glaciers Raimo et Berthillon à Paris !).
En synthèse, pour donner l'impression de "vrai", il faut augmenter
artificiellement des bruits de mécaniques parasites, et tout un tas de
caractéristiques "vivantes".
Ça se propage à la diffusion sonore d'ailleurs, y compris avec le
sampling et la modélisation : pour restituer l'amplitude dynamique d'un
piano de concert, il faut une "puissance de feu" énorme ! Avec caissons
de graves et multi-diffusion ! Et encore reste-t-on contraint par les
limites physiques des enceintes, même les meilleures.
Mais il y a moyen de jouer avec tout ça : de la même manière que les
décors de théâtre (ou d'opéra) n'ont pas vocation à être "réalistes",
mais constituent juste une convention de bon aloi avec le public (genre
"on dirait qu'on fait comme ça" = cour de récréation !), on peut
installer une connivence sympathique et honnête sur les moyens utilisés,
débouchant sur un réel partage sensible musical.
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(1) Dans ce clip du morceau Birima de Youssou N'Dour, l'instrument qu'on
entend en solo au temps 01:56 n'est PAS un Xalam/N'goni comme celui
qu'on voit à l'image ...mais un son de DX7, programmé et joué par mon
ami Jean-Philippe Rykiel ! <
https://youtu.be/6eAoQIXVi6c>
Sur son site web perso, il décrit dans une page "Synthénégal", via une
conversation avec le regretté Habib Faye (qui avait accompagné Youssou
avec lui dans les années 80-90), la manière dont certains sons de
synthèse (et en particulier son programme "Marimba") ont été à l'origine
de toute une nouvelle tendance de la musique sénégalaise : le Mbalax !
(via, initialement, Loy Ehrlich, rendons à César...)
<
https://jeanphilipperykiel.com/lafrique/synthenegal/>
-- Gerald