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https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2025/06/07/dans-le-train-l-avion-ou-le-metro-ce-passager-qui-engorge-les-couloirs-pour-debarquer-plus-rapidement_6611076_4500055.html>
La direction générale de l’aviation civile turque impose désormais aux
compagnies aériennes de rappeler aux passagers qu’ils doivent rester
assis, ceinture bouclée, jusqu’à l’arrêt complet de l’appareil. Les
contrevenants risquent une amende de 2 500 livres turques, soit 57
euros. Un pays qui a enfin décidé de s’attaquer à ce fléau que constitue
l’optidébarqueur (n.m).
• Définition
Passager qui se lève dès que l’avion a touché le sol ou avant que le
train approche de son terminus, courbé sous les coffres à bagages,
créant ainsi une file humaine absurde et oppressante, alors que les
portes sont encore fermées. L’optidébarqueur croit optimiser le flux
vers la sortie en le compliquant.
• Exemples
« J’ai cru que je n’allais jamais pouvoir sortir, un troupeau
d’optidébarqueurs bloquait l’allée. » « Les optidébarqueurs devraient
aller se rasseoir jusqu’à l’ouverture effective des portes. Ou être
placés en soute. »
• Prononciation
[p.ti.de.ba.kœ]
• Synonymes
Verticalus prematurus (scientifique), turbo-pressé du tarmac (jargon
professionnel), urgentassé (jargon de logistique des transports),
stand-up flyer (argot aérien).
• Usage
L’optidébarqueur se lève avec un sens de l’urgence inexpliqué, pour
ensuite rester debout, coincé, encombré de sa veste, de son sac et de sa
dignité pendant une petite demi-heure. Quand la station debout devient
trop pénible, l’optidébarqueur prend l’accoudoir voisin pour un «
a-cul-doir », mais refuse de se rasseoir sur un objet conçu pour. Au
moment de la sortie effective, l’optidébarqueur peut être dépassé par
les passagers restés assis qui, eux, sortent en ordre.
• Habitat naturel
L’optidébarqueur se niche dans les couloirs des rames de TGV du lundi
matin et des week-ends de pont. En vol, il prolifère dans les rangs
arrière. Dans le métro, il vit agglutiné aux portes, et lorsqu’il
s’assoit, c’est côté couloir même s’il a 15 stations à parcourir,
bloquant l’accès aux places assises, qui restent vides alors que
l’espace « debout » est bondé.
• Signes particuliers
Doté d’une remarquable ouïe sélective, l’optidébarqueur perçoit le
changement de régime moteur annonçant la descente d’un avion, mais
n’entend pas les messages invitant à rester assis. Dans l’avion comme
dans le train, l’évacuation est une course qu’il doit remporter : il
évalue les distances entre chaque porte et l’encombrement des couloirs
pour définir sa stratégie de sortie, s’invente des raccourcis dans des
allées de 45 centimètres de large. Il croit fermement que les portes
s’ouvrent plus vite s’il regarde fixement dans leur direction, soupire
quand ça n’avance pas et donne alors des petits coups de genoux dans sa
valise à roulettes pour faire avancer celui qui est devant lui.
Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Excunomiser : penchant à
dissimuler derrière des arguments d’économies un achat relevant d’un pur
caprice consumériste
Convaincu que chaque seconde passée assis lui fait perdre un peu de sa
journée, il lance des regards méprisants à ceux qui n’ont pas encore
déverrouillé leur ceinture et ne semblent rien attendre de la vie.
L’optidébarqueur ne fait preuve d’aucune pitié face aux remonteurs, ces
gens qui ont besoin de prendre la file en sens inverse pour aller
récupérer leurs bagages, leurs enfants ou revenir du bar : il est prêt à
leur faire barrage. Il garde son sac à l’épaule, persuadé que le poser
au sol ralentira l’ouverture des portes. Sous les regards rigolards,
écarlate de sueur et marinant debout sous son écharpe et manteau, il
fait bonne figure si une voix annonce que le quai n’a pas été attribué
et que le train reste bloqué sur la voie. Quand il n’est pas dans un
appareil en déplacement, il préfère les concerts à placement libre, se
lève toujours avant le générique au cinéma et est le premier à applaudir
à la fin d’un spectacle. Au supermarché, il passe à la caisse réservée
aux femmes enceintes et aux invalides.
•Cycle de vie
L’optidébarqueur tend à contaminer son entourage qui, à sa vue, se sent
coupable de rester concentré sur sa lecture, son sudoku ou les stories
de sa belle-sœur. A la pleine saison (ponts, vacances scolaires),
l’optidébarqueur peut évoluer vers la forme plus rare mais plus grave du
bagalpiniste : celui qui grimpe au-dessus des gens assis, prêt à
sacrifier trois lombaires pour attraper son sac le premier.
•Expression dérivée
« Optidébarqueur passif » : celui qui se lève et va prendre sa place
debout dans le couloir sans conviction, seulement parce que les autres
le font.
-- Michel Vauquois - <http://michelvauquois.fr><https://www.facebook.com/michel.vauquois.3>