Re: Menuhin

Ad Musicam  :

De mémoire, car cela fait longtemps...
Très rapidement des problèmes techniques sont apparus.
Le jeune Menuhin était un virtuose "intuitif". Le monde musical fut
ébloui par une présence virtuose hors norme. Des tensions musculaires
ont toutefois été rapidement générées. Curieusement, Menuhin n'avait pas
de problème avec la main gauche (la diabolique justesse violonistique)
mais avec la droite et la conduite de l'archet: une impossibilité de
maîtriser la ligne, une crispation qui empêchait le contrôle. Il a alors
tout essayé: "cours traditionnels", yoga. Rien n'a vraiment fonctionné
car sa conduite de l'archet avait toujours reposé sur une intuition...et
il l'avait perdue...

Passionnant. Il disait lui-même qu'il chantait comme l'oiseau sur la
branche, sans conscience de l’effort nécessaire ou de la technique à
employer. Il me semble qu'Enesco l'avait fait travailler sur ce point.

Remarque personnelle qui est me semble-t-il complètement ignorée:
Le grand moment de crise semble avoir été celui des années cinquante. La
rencontre à Prades avec Pablo Casals est en ce sens merveilleuse et
fascinante. Le jeune virtuose qui perdait le controle de l'archet venait
se réfugier auprès du vieux sage  qui perdait également le même contrôle
au violoncelle. Le dialogue dans Brahms (les trios) est très
impressionnant et émouvant  en ce sens. On y perçoit que les deux
musiciens acceptent le fait que la fragilité technique peut être
acceptée et dépassée, qu'une intonation imparfaite ou acide peut
également se charger de musicalité si elle exprime quelque chose de
l'oeuvre. L'enregistrement du 1er sextuor de Brahms (à nouveau!) à
Prades est là encore extraordinaire, malgré la piètre qualité sonore de
la source actuellement rendue disponible.

Superbe. Un grand merci.

--
Alain CF