Sujet : Re: BOLERO AVEC OU SANS...
De : alain.info.cf (at) *nospam* gmail.com (Alain CF)
Groupes : fr.rec.arts.musique.classiqueDate : 02. Jul 2023, 17:51:11
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Paul & Mick Victor :
Avec le temps, chantait Ferré, avec le temps, va, tout s'en va… Même la
musique. Ma belle Euterpe, mon amante, je t'ai consacré ma vie, et comme
tu n'es pas une ingrate, tu m'as nourri, tu as soigné mes bobos,
tu m'as fait bander, tu m'as parfois porté très haut sur tes ailes de
géante qui t'empêchent de marcher, mais, reconnaissons-le honnêtement,
au fil des jours, au fil des années, insensiblement, la passion s'est
faite tendresse, la tendresse s'est faite habitude, et l'habitude se
fait lentement indifférence. Aujourd'hui, ma belle amante, malgré tes
liftings et tes crèmes raffermissantes au Q10,
Q10 ? C'est le nom d'un amplificateur chinois ?
tu as le visage qui se
fissure, les seins qui dégringolent, le ventre qui s'affaisse.
Qu'est-ce qu'il disait, déjà, le pouète ? La chair est triste hélas, et
j'ai lu tous les livres. Fuir ! là-bas fuir ! tu parles ! On ne fuit
pas, ce serait trop facile. On ne fait que déplacer sa carcasse. Seul le
décor change. Autrefois, dans le métro ou dans le train, quand je voyais
un adolescent lire un livre, j'essayais toujours de voir le titre du
bouquin. C'était parfois un livre que j'avais aimé, et je me disais :
Quelle chance il a, celui-là ! quelle chance elle a, cette gamine, de
découvrir ce livre. Pour moi, je ne pourrais que le relire,
ce sera du réchauffé.
Ce n'est pas du tout mon expérience. Il m'arrive de relire certains
classiques qui avaient illuminé mes jeunes années, et j'y trouve souvent
un plaisir renouvelé (certes teinté d'amertume : ah, c'est donc ça qu'il
voulait dire, maintenant je le comprends, mais c'est trop tard). Je ne
dirais pas la même chose du cinéma, je ne compte plus les déconvenues en
redécouvrant ce qui m'avait alors ébloui, j'entends trop de mauvaise
musique et me désole devant des cinéastes surestimés et des acteurs qui
jouent faux, qu'avais-je donc en tête pour avoir aimé ça ? Pour la musique
ça va, Dieu merci, peut-être parce que je n'ai pas ton expertise
d'horloger :
Et il n'y a guère que la blanquette de veau qui
est meilleure réchauffée. En y repensant, au fond, sa vraie chance,
c'était moins de découvrir un livre que d'avoir dix-sept ans et tous les
possibles. J'en ai trop écouté, mes gueux, j'en ai trop joué, j'en ai
trop étudié, j'en ai trop démonté, comme on démonte des pendules pour
voir comment ça marche et ce qu'elles ont dans le ventre : certes, il
reste l'intérêt du technicien, le coup d'œil de l'horloger appréciant à
sa juste valeur une belle mécanique, mais la magie n'opère plus. Que
pourrais-je écouter, aujourd'hui, qui puisse réveiller mes sens blasés,
mes vieilles oreilles, mon cerveau engourdi ? Quel concerto, quelle
symphonie, quelle sonate pourrait me rendre les matins triomphants de la
jeunesse ? Il faudrait que ce fût une œuvre inouïe, quelque chose
d'encore jamais entendu, de tellement nouveau et tellement génial que la
marche de l'humanité s'en trouverait bouleversée. Une symphonie venue de
Mars ou de Saturne ? Le concerto pour 5.000 doigts du Dr T., peut-être ?
Et encore...
Un concerto de Richard Halley ?