SonAmiFerec [était : Lecture de vacances, 1re partie]

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Sujet : SonAmiFerec [était : Lecture de vacances, 1re partie]
De : b.suisseVotreculotte (at) *nospam* gmail.com (Paul & Mick Victor)
Groupes : fr.rec.arts.musique.classique
Date : 31. Aug 2023, 05:10:34
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MELMOTH a exprimé avec un peu de confusion :

MAF (MonAmiFerenc) a trente ans...D'une foudroyante beauté...
Un peu brouillon, tout ça. Ce foisonnement d'informations donne une bonne idée de la vie trépidante de TAF (TonAmiFerenc) et de son infatigable créativité, mais ne nous apprend pas grand-chose sur ce qu'était l'homme. Or comme Pascal, je suis tout étonné et ravi lorsque derrière l'œuvre, je trouve l'homme. Leurs œuvres et leurs écrits nous donnent une assez bonne idée des personnalités de Beethoven, de Mozart, de Schubert, de Chopin ; c'est beaucoup plus difficile de cerner Liszt, tant le bonhomme est protéiforme, kaléidoscopique. Qui était vraiment Liszt, entre le virtuose qui cassait les pianos, le dandy, le séducteur mondain, l'amoureux passionné, le compositeur adulé, le compositeur incompris, le mystique, l'abbé ?
Faut-il le chercher dans ses Rhapsodies hongroises ? (À peu près les seules œuvres connues du grand public (et encore, surtout la 2ème) avec la Campanella et Rêve d'amour)…
(pour rire) :
https://www.youtube.com/watch?v=QGMpHVyz62Y
Faut-il le chercher dans ses dernières œuvres, Nuages gris ou La lugubre gondole, si dépouillées, dans lesquelles il cherchait à se débarrasser du "carcan de la tonalité" et ouvrait la voie à la musique atonale ?
Le vrai Liszt est-il dans ses œuvres sacrées, si mal connues ? C'est encore un euphémisme de dire que son magnifique Requiem, en terme de popularité, vient très loin derrière ceux de Mozart, de Verdi, de Brahms ou de Fauré. Je peux en témoigner : beaucoup de professeurs de musique seraient incapables de le citer. En 1833, il n'avait que 22 ans, Liszt écrivait à Marie d'Agoult : "Vous voulez aussi que je vous dise ce que je deviens ? Eh ! mon Dieu, vous connaissez à peu près ce que j’appelle ma vie qui n’est que le développement d’une idée : cette idée, c’est Dieu." Il récidivait quelques mois plus tard : "Ce que j’ai peine à m’expliquer c’est l’inconcevable invasion (passez-moi ce mot) du sentiment religieux en moi… Ma vie est une prière, une adoration perpétuelle." (On trouvera la correspondance de Liszt et Marie d'Agoult sur le site Gallica). Foi chevillée au corps, ou éphémère crise mystique ? Crise de foi passagère vite guérie avec un grand verre de Schoum ? Il y a tout de même un petit côté tartuffe chez ce dévôt qui n'hésitera pas à séduire une femme mariée, lui faire commettre l'adultère et tomber ainsi dans le plus vil des péchés. Mais, c'est bien connu, il est une science d’étendre les liens de notre conscience, et de rectifier le mal de l’action avec la pureté de notre intention… Il sera pourtant ordonné prêtre un an avant sa mort, et enterré avec sa soutane.
Pendant une trentaine d'années, j'ai eu sous les yeux, quotidiennement, une reproduction de la célèbre photo de Nadar représentant Liszt en 1886, quelques mois avant sa mort. Je l'avais accrochée sur un mur de ma chambre (à côté de la non moins célèbre photo de Mahler par Moritz Nähr), j'ai eu tout le loisir de la regarder et de l'admirer, sans jamais m'en lasser, car elle est admirable, en effet.
https://urlz.fr/noFg
Sans invoquer Lavater et sa physiognomonie, ou les errements de la morphopsychologie, il doit y avoir tout de même une correspondance, au sens baudelairien du terme, entre les traits d'un visage et ce qu'on appelle "l'âme", faute de mot plus précis pour désigner l'essence même d'un individu. Une fois appréciée la parfaite harmonie du visage, après s'être interrogé sur l'expression quasi monalisienne de la bouche - s'agit-il d'un très infime sourire, ou d'un très infime pli d'amertume ? - ce sont évidemment les yeux qui attirent irrésistiblement le regard, qui constituent le centre d'attraction de la photo. Liszt regardait l'objectif, il me regarde, mais j'ai l'impression qu'il ne me voit pas. Ou s'il me voit, c'est comme quelque chose de tout à fait accessoire, un détail sans aucune importance, un élément du décor qui se trouve par hasard dans son champ de vision, mais qui ne mérite pas qu'on s'y attarde. Ces yeux mouillés, qui paraissent pleins de bienveillance, voire de bonté, regardent autre chose, autre chose qui n'est pas devant, mais plutôt derrière, en tout cas, ailleurs. On retrouve cette expression, ce "regard intérieur" chez les gens qui écoutent attentivement de la musique. Ils ont les yeux ouverts, ils semblent fixer quelque chose, mais ils ne voient rien. Enfant, ma mère me disait, lorsque nous étions dans un magasin : On ne touche pas, on touche avec les yeux. Ici, il faudrait dire : On ne voit pas. On voit avec les oreilles. Ou avec le cerveau, ou avec quelque autre sens, qui n'est pas dans la liste. Quoi qu'il en soit, ce personnage m'intimide. Je me sens petit, tout petit, à côté de lui. Lorsque je regardais Mahler, dans le cadre d'à côté, je me disais que j'aurais bien aimé bien boire un pot avec lui, que malgré le gouffre de génie qui nous séparait, l'Éverest à côté de la butte Montmartre, on aurait pu discuter, plaisanter, se comprendre, échanger des idées et prendre des cuites ensemble. Ce n'est pas le cas pour Liszt. Celui-là est trop loin, trop haut. Je ne peux pourrais pas le considérer comme mon ami. Je ne peux m'imaginer avec lui que dans un amphithéâtre d'université, prenant des notes et levant timidement le doigt lorsque j'ose lui poser une question, tandis qu'il rayonne sur l'estrade. Voltaire, l'hypocondriaque constamment préoccupé par sa santé et ses problèmes intestinaux s'était surnommé élégamment "Chie-en-pot-la-perruque". Liszt s'était surnommé "Thoughtful", … plein de pensées.
Pour conclure, je citerai un texte de Berlioz qui illustre bien ces deux facettes de Liszt : le cabotin, l'histrion, le m'as-tu-vu, l' "écoutez-comme-je-joue-bien", et le musicien, le vrai, celui qui délaisse l'artificiel pour se concentrer sur le naturel, celui qui nous laisse tout étonnés et ravis, "car on s’attendait de voir un auteur et on trouve un homme."
"Un jour, il y a sept ou huit ans, Monsieur Liszt, exécutant cet adagio [l'adagio sostenuto de la Sonate au clair de lune de beethoven, note de P&MV] devant un petit cercle dont je faisais partie, s'avisa de le dénaturer, suivant l'usage alors adopté pour se faire applaudir par un public fashionable : au lieu de ces longues tenues des basses, au lieu de ces voix mourantes des dessus, au lieu de cette sévère uniformité de rythme et de mouvement dont je viens de parler, il plaça des tremoli, il pressa et ralentit la mesure, troublant ainsi par des accents passionnés le calme de cette tristesse, et faisant gronder le tonnerre dans ce ciel sans nuage qu'assombrit seulement le départ du soleil… Je souffris cruellement, je l'avoue, plus encore qu'il ne m'est jamais arrivé de souffrir en entendant nos malheureuses cantatrices broder le monologue du Freyschütz ; car à cette torture se joignait le chagrin de voir un tel artiste tomber dans le travers où ne tombent d'ordinaire que les médiocrités. Mais qu'y faire ? Monsieur Liszt était alors comme ces enfants qui, sans se plaindre, se relèvent eux-mêmes d'une chute qu'on feint de ne pas apercevoir, et qui crient si on leur tend la main. Il s'est fièrement relevé : aussi, depuis ces dernières années surtout, n'est-ce plus lui qui poursuit le succès, mais bien le succès qui perd haleine à le suivre ; les rôles sont changés. Revenons à notre sonate. Dernièrement, un de ces hommes de cœur et d'esprit, que les artistes sont si heureux de rencontrer, avait réuni quelques amis ; j'étais du nombre. M. Liszt arriva dans la soirée, et trouvant la discussion engagée sur la valeur d'un morceau de Weber, auquel le public, soit à cause de la médiocrité de l'exécution, soit pour toute autre raison, avait, dans un concert récent, fait un assez triste accueil, se mit au piano pour répondre à sa manière aux antagonistes de Weber. L'argument parut sans réplique, et on fut obligé d'avouer qu'une œuvre de génie avait encore été méconnue. Comme il venait de finir, la lampe qui éclairait l'appartement parut près de s'éteindre ; l'un de nous allait la ranimer. "N'en faites rien, lui dis-je ; s'il veut jouer l'adagio en ut dièse mineur de Beethoven, ce demi-jour ne gâtera rien.
— Volontiers, dit M. Liszt, mais éteignez tout à fait la lumière, couvrez le feu, que l'obscurité soit complète."
Alors, au milieu de ces ténèbres, après un instant de recueillement, la grande élégie, la même qu'il avait autrefois si étrangement défigurée, s'éleva dans sa simplicité sublime. Pas une note, pas un accent, ne furent ajoutés aux accents et aux notes de l'auteur : c'était l'ombre de Beethoven, évoquée par le virtuose, dont nous entendions la grande voix. Chacun de nous frissonnait en silence, écrasé de respect, de religieuse terreur, d'admiration, de douleur poétique ; et sans les larmes bienfaisantes qui vinrent à notre aide, je crois que nous aurions été étouffés."
(Article de Berlioz publié dans "Le Rénovateur" du 17 février 1835).
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Paul & Mick Victor
Tête de Liszt

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