Le 31/10/2023 à 18:46,
Th@lie a écrit :
c'est là que je constate être une dégonflée, jamais je n'aurais pu avancer...
P'têt dégonflée mais pas inconsciente comme j'ai pu l'être...
Pâques 74 : je suis apprenti sous contrat, j'ai droit à des vacances, et j'ai une 125... j'ai hâte de la montrer à mes copains du Cantal, ou je vais depuis tout petit en vacances dans la (vieille) maison de famille.
J'ai donc deux semaines pour aller user de la gomme sur les routes qui tournent, moi le parisien!
J'ai bien préparé la moto et mon sac de fringues, et je me suis chaudement équipé, c'est qu'il fait pas chaud.
Le matin du départ... il neige à gros flocons /dans/ Paris. :-(
M'en fous, je pars quand même! Je traverse Paris sans trop de mal, mais une fois passé le périph', ça se gâte, je n'y vois plus grand chose à part du blanc. Je suis une bagnole dont j'aperçois à peine les feux (elle est dix mètres devant moi...) et je finis par atteindre la station-service de Lisses au bout d'une heure et demi. Y'a pratiquement aucune voiture qui roule, et la seule bécane c'est la mienne.
Je continue vers Orléans, la neige se calme un peu. En évitant de rouler dans les traces des voitures, je ne glisse pas et j'arrive à maintenir un bon 60 km/h... La route défile, je m'arrête très souvent pour boire un café dans un bistrot et me réchauffer un peu. Passé Vierzon puis la Châtre, les routes que j'emprunte sont de plus en plus petites... et de plus en plus enneigées. Entre Felletin et la Courtine, seules les traces de bestioles et de vagues reliefs m'indiquent les fossés : pieds sur les repose-pieds, j'ai de la neige jusqu'au chevilles!
A la Courtine, je n'en peux plus, je m'arrête dans un bistrot pas loin de l'immense camp militaire pour un énième café. J'ai un peu honte car je dégouline de partout : mon blouson en cuir est gelé, mais les deux pull-overs en dessous sont imbibés d'eau, tout comme les bottes.
La mémé qui tient le bistrot fronce le sourcil et tend une main par-dessus le comptoir. Elle agrippe mon pull qui crache de la flotte et s'exclame : "Mais vous êtes trempé! Vous ne venez pas de Felletin, quand même?" Je lui réponds que je viens de Paris, elle reste bouche bée dix secondes, puis m'ordonne : " Passez dans la cuisine!" Je la suis, elle me demande de retirer blouson, pulls, bottes et même le futal en cuir, précisant "J'ai un fils et des petits enfants, ça ne me gêne pas de vous voir en caleçon" (Je me marre un peu mais je m'exécute).
Elle met à sécher les pulls au-dessus de la grosse cuisinière à charbon, les bottes sur la porte du four ouverte et le blouson à côté, et une fois assis à la table, elle me demande ce que j'ai mangé à midi. La réponse "un sandwich" n'a pas l'air de lui plaire, elle me tend un gros bol de soupe : "Mangez" A peine fini elle m'en ressert un deuxième...
Je passe ainsi une heure à me réchauffer, et je m'endormirais presque, mais il me reste cent bornes à faire et je lui explique que je dois repartir, ma grand-mère m'attend. Elle grommelle un peu, me tend une carte avec le numéro de téléphone du bistrot et m'enjoint de l'appeler quand je serai arrivé. Je promets et je repars, quand même inquiet pour la fin du trajet, car le jour commence à baisser.
Arrivé dans mon bled, je me précipite à la poste avant qu'elle ferme, car ma mémé n'a pas le téléphone... j'appelle le bistrot, j'explique que je suis arrivé, et la vieille dame me demande de dire à ma grand-mère que je ne suis pas raisonnable! Chose que j'ai faite...
A peine arrivé, la moto rangée et un autre bol de soupe avalé, je suis parti me coucher, j'ai dormi 18 h d'affilée.
Au retour deux semaines plus tard, plus de neige... mais je me suis cassé la gueule sur une plaque de verglas, reste de neige tassée restée à l'ombre. Ca ne m'a pas empêché de m'arrêter au bistrot pour saluer la vieille dame, rituel que j'ai observé pendant six ou sept ans, à l'aller comme au retour... jusqu'au jour où j'ai trouvé un jeune type derrière le bar. Quand je lui ai demandé des nouvelles de la vieille dame, il a eu un moment d'hésitation, puis a lâché : "Ah c'est vous, le motard de Paris? Ma grand-mère m'a bien parlé de vous... elle nous a quitté cet hiver."
J'ai eu comme un pincement au coeur, et par la suite je ne me suis plus arrêté à la Courtine.
Mais franchement, faut être très con pour rouler sur la neige ! :-D
-- . /).-:oo= Guillaume. \).Je nettoyais mon clavier, et le coup est parti tout seul.