Sujet : Re: Histoire d'i [WAS] [HS] Re: Windows 95
De : talon (at) *nospam* niobe.lpthe.jussieu.fr (Michel Talon)
Groupes : fr.sci.mathsDate : 13. Sep 2023, 14:15:23
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Le 13/09/2023 à 14:08, efji a écrit :
>
Est ce que l'on peut affirmer que sqrt(1) = 1^(1/2) ?
Si tel est le cas j'en suis resté au fait que 1^(1/2) est multivalué et trouve ses solutions dans {-1; 1}.
Dans ce cas comment évaluer 1^(1/2) + 1^(1/2) ? Doit on accepter la valeur 0 comme résultat ?
>
Mais non. Si on prend de telles conventions on ne peut plus rien calculer. Essentiellement x^{1/2}=\sqrt{x} (un réel positif)
Parfois on peut accepter la notation x^{1/2} pour x complexe, justement pour éviter d'utiliser \sqrt qui est tabou, mais en sachant bien que la racine carrée d'un complexe est ambigue.
Je me contenterai de citer Dieudonné dans le texte:
Elements d'analyse, Chapitre 9, Introduction
... Le lecteur ne trouvera, dans ce chapitre aucune allusion aux fonctions dite à valeur multiple ou fonctions multiformes. ... (avec elles) il est impossible d'utiliser les expressions algébriques les plus élémentaires de façon raisonnable, par exemple la relation 2√z=√z+√z n'est certainement pas vraie ....
Heureusement il existe une solution a cette difficulté qui n'a rien à voir avec un tel non sens. Elle a été découverte par Riemann, il y a plus de 100 ans: elle consiste à rétablir l'unicité de la valeur de √z
en doublant pour ainsi dire le domaine de la variable z, de sorte que les deux valeurs de √z correspondent à deux points au lieu d'un seul ....
C'est le fameux revêtement ramifié à deux feuillets, ce que Dieudonné ne dit pas dans cette brève description c'est qu'il y a deux points de branchement (ou ramification) en 0 et infini au dessus desquels il y a juste une valeur de √z. Ceci concerne l'équation y^2=z, il y a la construction analogue pour n'importe quelle relation polynomiale P(y,z)=0 avec des points de branchement là où y=y(z) a des racines multiples. La surface de Riemann de P est définie par prolongement analytique dans la version "fonction de variable complexe", par exemple
dans Springer Introduction to Riemann surfaces, mais aussi de façon purement algébrique, par exemple dans Zariski et Samuel.
Je pense que garder ces considérations en mémoire est important quand on commence à se préoccuper d'expressions contenant des radicaux dans des logiciels de calcul symbolique (maxima, etc.). L'une des jérémiades qui revient souvent dans le courrier de maxima vient de gens qui
ne veulent pas comprendre que dans ce contexte une racine carrée a 2 valeurs. C'est pourquoi je pense qu'insister de façon rigide sur √4=2
rend peut être service à l'école élémentaire mais certainement pas dans
la suite.
Sans même aller dans des mathématiques ultra éthérées, en physique, le problème de la diffraction par un demi plan a été résolu par Sommerfeld
en utilisant une surface de Riemann. C'est l'une des plus jolies solutions de toute la physique théorique classique.
-- Michel Talon