Le vol d’un millier d’étourneaux, contre le mythe du « réel voilé ».

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Sujet : Le vol d’un millier d’étourneaux, contre le mythe du « réel voilé ».
De : jcl (at) *nospam* invalid (JC_Lavau)
Groupes : fr.sci.physique
Date : 20. Apr 2023, 17:32:45
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Le vol d’un millier d’étourneaux, contre le mythe du « réel voilé ».
Qui n’a déjà été éberlué par le vol groupé et insaisissable d’un millier d’étourneaux ? C’est un nuage qui change constamment de densité et de forme. On peut imaginer la raison évolutive qui a sélectionné un tel comportement déroutant : rendre impossible à un prédateur de pouvoir choisir une cible dans cette multitude à la vivacité affolante.
Le même comportement grégaire est observable sur bien des bancs de poissons, et il est fort efficace. Des vidéos nous ont montré comment des prédateurs tels que des dauphins ou des otaries travaillent à dissocier le banc jusqu’à isoler à part une bien plus petite population, typiquement bien coincée entre la surface et la paroi presque verticale du fjord. Et là l’otarie peut viser et avaler les poissons individualisés, qui font bien son affaire. Elle a presque la même vision binoculaire que nous, habile à percevoir les flux, optimisée pour traquer une seule proie à la fois.
Notre ascendance d’insectivores, puis de frugivores arboricoles, puis de charognards bipèdes ne nous a pas facilité la préhension des phénomènes massivement parallèles. En échange, nous sommes habiles à travailler en séquences : notre cortex préfrontal est optimisé pour cela. Or la totalité des phénomènes de la biologie sont massivement parallèles, à l’étage biochimique ; c’est le plus spectaculaire en embryologie – mais l’éclosion des bourgeons floraux et foliaires n’est pas mal non plus. Les cerveaux de nos fœtus synthétisent quelques dix mille neurones à la seconde. Quel est le « Grand Architecte », postulé à notre image en tant que gros bonhomme, qui pourrait « coordonner » une embryogenèse ? Sur la fin de « Le hasard et la nécessité », Jacques Monod relate la longue guerre d’indépendance menée par les savants en général, et les biologistes en particulier, contre l’omnipotence du clergé animiste (Papauté, dictature de Calvin à Genève, dictatures protestantes aux Etats, etc. et en notre époque moderne c’est l’animisme musulman qui mène la vie dure aux professeurs de sciences naturelles). Autant l’animisme réussissait bien à la vie pratique quand nos ancêtres vivaient de chasse, autant il échoue à comprendre les montagnes, les roches, les sols, les orages, la pluie, les vents, les saisons, les éclipses, les volcans, les minerais, le feu, les céramiques, etc. Et pourtant les militants animistes persistent dans leurs errements, dans notre époque pourtant si technologique sous éclairages scientifiques. Mais pourquoi ? Ce qui me frappe dans leurs traits pathologiques communs est qu’ils exigent de l’hyper-simplification. Ils ne supportent pas les vexantes complexités du monde réel, et se cramponnent dans les jupes de leur môman ou de leur déesse Gaïa, ou dans les pantalons de leur grand-frère le tout-puissant, prêts aux sanglantes guerres de religions.
L’un de ces animistes et créationnistes a répété sur plusieurs livres sa plainte que le réel lui soit voilé par Le Créateur. Bernard d’Espagnat était aussi membre d’un autre clergé pseudo-scientifique : l’église göttingeno-copenhaguiste. Aussi l’idée qu’il se faisait du « réel » était gravement erronée. Prenons la métaphore d’un petit équipage pris dans la brume, et qui peine à  reconnaître les pointes et rochers qui le séparent encore de la rentrée au port ; l’un crie « Oui ! C’est le Guérouard, je le reconnais ! ». Voilà du réel voilé au goût d’Espagnat : du solide, de l’immuable, du facile à comprendre dès que le voile de brume est levé.
Or la réalité en microphysique a une toute autre allure, et sa tentative de description par l’église göttingeno-copenhaguiste, actuellement hégémonique, est une cruelle illustration du théorème de la variété requise, de William R. Ashby :
Un système S1 (système de contrôle) ne peut assurer la régulation d'un système S2 (système contrôlé) que si sa variété est supérieure ou au moins égale à celle de S2. Autrement dit, si un système régulateur n'est pas aussi complexe que le système dont il assure le contrôle, il ne va en réguler que la partie correspondant à son niveau de complexité. Dans un tel cas, soit il réduit les potentiels du système contrôlé (en lui imposant ses propres limitations), soit il se fait déborder par lui.
En effet, l’église dominante croit savoir définir des conditions initiales, qu’elle appelle « un état » conformément au petit jeu d’équations qu’elle sait écrire au tableau noir - héritées de l’astronomie du 19e siècle. Elle tient à ignorer que dans la réalité, aussi bien l’état initial que l’état final sont lourdement bruités par le clapotis du bruit de fond broglien, et que c’est inévitable, impossible à écranter. Vu les fréquences typiques de ce bruit broglien, énormes, c’est définitivement très au delà des possibilités de monitorage par aucun de nos matériels de mesure. La barrière de variété d’Ashby ruine tous nos fantasmes panoptiques.
Et cette barrière de variété d’Ashby est rebelle à toute espèce de dieu.
https://www.researchgate.net/publication/355916745_27_surrepicious_and_noxious_postulates_and_the_remedies
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La science se distingue de tous les autres modes de transmission des connaissances par une croyance impie : nous croyons que les experts sont faillibles, que les coutumes peuvent véhiculer toutes sortes d'erreurs, et qu'il faut vérifier, avec des expériences.

Date Sujet#  Auteur
7 Sep 24 o 

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