Dans les Alpes, le déclin accéléré des géants blancs

Recul des glaciers, formation de lacs ou écroulement de roches : les montagnes du massif subissent une série de périls, qui se sont fortement aggravés depuis quelques années.
Comme tous les étés depuis quinze ans, le glaciologue Luc Moreau raconte l’histoire de l’emblématique mer de Glace, dans le massif du Mont-Blanc (Haute-Savoie), aux deux mille à trois mille touristes quotidiens venus observer le plus grand glacier des Alpes françaises. Mais, comme chaque année, il est affecté par le spectacle de la longue traînée qui noircit toujours davantage. « Elle n’est plus qu’un tas de cailloux, un champ de bataille, se désole-t-il. Le pire, c’est que nous sommes la cause de cette disparition. »
Les Alpes européennes font partie des régions glaciaires les plus touchées au monde par le dérèglement climatique d’origine humaine. Le déclin de ces mythiques montagnes s’est fortement accéléré ces dernières années : elles ont perdu un tiers de leur volume de glace en vingt ans seulement. Les glaciers ont reculé en moyenne de 30 mètres par an sur la période, et se sont dépouillés de 1 à 1,5 mètre d’épaisseur chaque année en moyenne sur l’ensemble de leur surface.
Pour la mer de Glace, les chiffres donnent également le tournis : elle a reculé de 1 kilomètre en trente-cinq ans (il lui reste encore 11 kilomètres), et a perdu 160 mètres d’épaisseur. Le déclin est tel que la Compagnie du Mont-Blanc a dû installer une nouvelle télécabine, en février, pour que l’on puisse rejoindre le glacier, toujours plus éloigné. Il reste malgré tout 150 marches à descendre, et « il faudra en rajouter chaque année », prévient Luc Moreau.
En 2022, le déclin des géants blancs a atteint des niveaux catastrophiques. Au point que même les plus hauts glaciers ont connu un amincissement. « Cela n’avait jamais été observé. Ils ont perdu plus de 3 mètres d’épaisseur vers 4 000 à 4 300 mètres d’altitude, soit davantage en une année qu’en cent ans, entre 1905 et 2005 », indique Christian Vincent, ingénieur de recherche à l’Institut des géosciences de l’environnement (IGE) de Grenoble. L’année 2023, elle, « est malheureusement assez standard, avec des bilans de masse largement déficitaires », poursuit le scientifique. Il y a eu bien plus de fonte de glace en aval que d’accumulation de neige en amont.
Agir pour limiter les dégâts
Cette année pourrait offrir un maigre répit aux glaciers – ou, du moins, s’avérer moins mauvaise que les précédentes –, même s’il est trop tôt pour le confirmer. Les sommets au-dessus de 2 500 mètres ont accumulé beaucoup de neige en raison d’importantes précipitations en hiver et au printemps. Mais les fortes chaleurs de la fin du mois de juillet ont accéléré la fonte. Tout dépendra désormais de la température du mois d’août, de septembre, voire d’octobre.
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