Poutine retarde une nouvelle mobilisation, bien que l'offensive
ukrainienne à Kursk a mis en évidence le manque de troupes russes.
L'offensive ukrainienne dans l'Oblast russe de Kursk met en évidence
les pénuries d'effectifs russes, mais le Kremlin, craignant les réactions
de son opinion publique, espère obtenir des résultats sans décréter
une mobilisation générale.
https://kyivindependent.com/i-wont-go-russians-grumble-as-kursk-incursion-exposes-kremlins-need-for-mobilization/[Article du Kyiv Independent, publié par Oleg Sukhov, 12/09/2024, 14:07]
Alors que le Kremlin envisage une nouvelle mobilisation des conscrits,
certains appelés russes potentiels se disent peu enthousiastes à l'idée
de défendre le territoire de leur pays, un peu plus d'un mois après
l'offensive ukrainienne dans l'Oblast russe de Kursk.
"Je n'irai pas [au front]. J'ai prêté serment à la Constitution, pas aux
criminels [du Kremlin]", a déclaré Ivan, au Kyiv Independent, faisant
référence au serment qu'il a prêté lors de sa formation militaire,
à l'université de Moscou.
Il s'est exprimé sous le couvert de l'anonymat par crainte de représailles
du Kremlin.
L'offensive ukrainienne dans l'Oblast de Kursk, qui a changé la donne et
a débuté le 6 août 2024, a mis en évidence le manque de réserves russes
et la nécessité potentielle d'une nouvelle mobilisation forcée, deux ans
et demi après l'invasion russe à grande échelle contre l'Ukraine.
L'offensive ukrainienne de Kursk n'a pas mis un terme à l'offensive russe
dans l'Oblast de Donetsk, sur le front Est de l'Ukraine, qui s'est intensifiée
ces dernières semaines. Toutefois, l'offensive russe dans le Donbass,
depuis la fin de l'année 2023, s'est accompagnée de pertes de troupes
russes très coûteuses.
Environ 120,000 soldats russes ont été tués, depuis le début de l'invasion
russe à grande échelle contre l'Ukraine, ont rapporté les médias russes
indépendants Meduza et Mediazona, le 5 juillet 2024. L'Etat-major général
ukrainien a affirmé, le 11 septembre 2024, que la Russie avait perdu
628,930 soldats, tués et blessés, depuis le début de son invasion à grande
échelle. Ce chiffre n'a pas pu être vérifié de manière indépendante.
Mais les analystes estiment que le dictateur russe pense que la Russie
peut encore progresser sur le front sans recourir à la mobilisation, qui
serait politiquement et économiquement douloureuse. C'est pourquoi
il pourrait repousser encore la mobilisation, en s'en tenant à une politique
qui vise à donner aux Russes l'impression que la guerre se déroule comme
prévu et qu'elle ne les affecte pas.
"Je pense qu'une mobilisation des conscrits est peu probable", a déclaré
l'expert militaire américain Michael Kofman, au Kyiv Independent. "Il n'y
a aucune preuve d'une nouvelle mobilisation. La main-d'oeuvre est un défi
croissant pour la Russie, par rapport à ses objectifs, mais je pense qu'il
s'agit plutôt d'une conversation pour plus tard en 2025".
Poutine a traîné les pieds avant d'annoncer la première mobilisation des
conscrits en septembre 2022, après l'échec de la tentative de son armée
d'invasion, de s'emparer de Kyiv, mais aussi de pans entiers de territoire
dans le sud et l'est de l'Ukraine. Cette mobilisation a eu lieu à la suite
de l'échec de la Russie à tenir la ligne de front dans l'Oblast de Kharkiv,
au milieu d'une contre-offensive ukrainienne fulgurante, début septembre
2022.
https://assets.kyivindependent.com/content/images/2024/08/Screenshot-2024-08-13-at-00_18_40.webpSelon les experts, l'une des raisons de ce retard est que le Kremlin craint
le mécontentement social russe, tant de la part de ceux qui soutiennent
la guerre que de ceux qui s'y opposent.
"Plus les sondages sont mauvais, plus l'élite pense que Poutine ne remplit
pas ses fonctions", a déclaré l'analyste politique russe Dmitry Oreshkin,
au Kyiv Independent.
Le problème des réserves -
Bloomberg a rapporté, le mois dernier, que l'armée russe ne recevait pas
suffisamment de nouveaux soldats pour faire face aux pertes sur le front,
qui sont les plus importantes depuis le début de l'invasion à grande échelle
en 2022. L'agence de presse a cité des sources non divulguées, proches
du Kremlin et du Ministère russe de la Défense (MoD-RU).
La nécessité de reconstituer les réserves militaires s'est accentuée avec
l'offensive ukrainienne dans l'Oblast de Kursk.
La situation pourrait obliger Poutine à annoncer une nouvelle mobilisation
des conscrits russe d'ici la fin de 2024, a rapporté Bloomberg, citant deux
sources russes qui se sont exprimées sous le couvert de l'anonymat.
https://assets.kyivindependent.com/content/images/2024/08/2-1.webpEn décembre 2023, le MoD-RU a affirmé avoir recruté 640,000 soldats
contractuels, depuis l'automne 2022. IStories et Conflict Intelligence
Team ont contesté cette estimation en août 2024, affirmant que seuls
426,000 soldats avaient reçu des primes à la signature de contrats avec
l'Armée russe.
La montée en flèche des primes versées aux combattants volontaires,
qui rejoignent l'Armée russe, est l'un des signes des problèmes d'effectifs
en Russie.
La Russie ayant de plus en plus de mal à recruter des soldats, les primes
à la signature d'un contrat avec l'Armée, qu'elle soit fédérale ou régionale,
ont atteint plus d'un million de roubles [11,000 dollars] en moyenne,
au mois d'août 2024, selon le projet de journalisme d'investigation
IStories. A Moscou, à Saint-Pétersbourg et en Karatchaï-Tcherkessie,
les paiements ont atteint plus de 2 millions de roubles [22,000 dollars],
le même mois.
A titre de comparaison, les indemnités versées aux soldats sous contrat
s'élevaient à environ 200,000 à 300,000 roubles au début de l'année 2023.
Le média indépendant russe Novaïa Gazeta a rapporté, en juin 2024,
que les indemnités régionales versées aux nouvelles recrues avaient été
multipliées par 80, depuis le début de l'invasion russe à grande échelle,
le 24 février 2022.
S'exprimant à la télévision ukrainienne, l'expert militaire Kostyantyn
Mashovets a déclaré, le 6 septembre 2024, que la Russie avait essayé
de créer de nouvelles réserves, mais que l'ampleur et le rythme de
cette formation étaient beaucoup plus faibles qu'auparavant.
En raison du manque de réserves, l'Etat-major général russe persuadera
probablement Poutine d'annoncer une nouvelle mobilisation cette
automne 2024, a déclaré Mashovets.
"La situation des réserves en Russie n'est manifestement pas celle
à laquelle ils s'attendaient", a-t-il ajouté.
https://assets.kyivindependent.com/content/images/2024/09/Screenshot-2024-09-11-at-19_07_17.webpL'analyste militaire polonais Konrad Muzyka a déclaré au Kyiv Independent
que "tant que la Russie est capable de recruter au moins 30,000 volontaires
par mois, je ne pense pas qu'elle veuille procéder à la deuxième vague
de mobilisation".
"Mais si nous constatons une forte baisse du nombre de recrutements,
alors la deuxième vague de mobilisation sera probablement possible",
a-t-il ajouté.
Vadym Skibitsky, porte-parole des services de renseignement militaire
ukrainiens (HUR), a déclaré, en janvier 2024, qu'environ 30,000 volontaires
signaient chaque mois des contrats avec l'Armée russe.
Le Kyiv Independent n'a pas pu vérifier ce chiffre de manière indépendante,
et il n'est pas certain qu'il ait changé depuis.
Selon l'Agence allemande de collecte de données Statista, la Russie
comptait 1.3 million de soldats en août 2023.
La force d'invasion russe en Ukraine est inférieure au nombre total
de soldats russes.
En juin 2024, Poutine a affirmé qu'il y avait près de 700,000 soldats russes
en Ukraine et dans les régions russes limitrophes de l'Ukraine, mais cette
affirmation n'a pas pu être vérifiée de manière indépendante.
Le commandant en chef ukrainien, Oleksandr Syrsky, a déclaré le même
mois que la force d'invasion russe comprenait 520,000 soldats, et que
la Russie prévoyait de la porter à 690,000 d'ici à la fin de 2024.
On estime que l'Ukraine dispose de moins de troupes. Zelensky a déclaré
en janvier 2024 que l'Armée ukrainienne comptait 880,000 soldats.
Toutefois, les analystes militaires affirment que la partie de l'Armée
impliquée dans les combats sur la ligne de front est moins importante.
Les jeunes conscrits russes -
Pour éviter d'annoncer une nouvelle mobilisation, le Kremlin a recours
à de jeunes conscrits qui effectuent chaque année leur service militaire
obligatoire.
Le service militaire annuel s'applique aux hommes âgés de 18 à 30 ans,
en temps de paix et en temps de guerre, tandis que la mobilisation n'est
annoncée qu'en temps de guerre, et s'applique aux hommes âgés de
18 à 55 ans, principalement ceux qui ont déjà servi dans l'armée ou suivi
une formation militaire.
En raison du manque de troupes dans l'Oblast de Kursk, la Russie doit
utiliser de jeunes conscrits en masse dans la région, selon des analystes
militaires et des médias russes indépendants.
L'utilisation de jeunes conscrits dans une guerre est une question politique
sensible, car leur service dans la guerre n'est pas volontaire, et cela peut
potentiellement déclencher des protestations de la part de leurs mères.
La mort de soldats sous contrat ne provoque pas de réaction brutale de
la part de la société russe, parce qu'ils servent volontairement, alors que
les conscrits russes sont envoyés au front par la force, a déclaré l'analyste
politique russe Yekaterina Shulman, à Deutsche Welle, le 5 septembre 2024.
"Les conscrits sont un matériau politiquement risqué", a-t-elle ajouté.
"Ils sont considérés comme des enfants que leurs mères ont confiés
à l'Etat. Si l'un d'entre eux est tué, cela est perçu comme une injustice".
https://assets.kyivindependent.com/content/images/2024/09/Screenshot-2024-09-11-at-19_07_12.webpToutefois, le Kremlin estime probablement qu'il peut se permettre d'utiliser
de jeunes conscrits pour combattre dans l'Oblast de Kursk, car l'ampleur
de leur déploiement n'est pas suffisante, selon l'analyste politique russe
Andrei Kolesnikov et un analyste politique basé en Russie, qui ont parlé
sous le couvert de l'anonymat par crainte de représailles de l'Etat russe.
"Peu de gens sont au courant et y prêtent sérieusement attention. Ce n'est
pas devenu un sujet national, en raison des conditions de la censure et du
blocage de l'information, et de la répression", a déclaré Kolesnikov.
L'analyste, basé en Russie, estime qu'il ne s'agit pas d'un problème majeur
pour le Kremlin, car "il n'y a que quelques milliers de ces conscrits dans
l'oblast de Kursk, au maximum".
https://assets.kyivindependent.com/content/images/2024/09/Screenshot-2024-09-11-at-19_06_59.webpUne autre façon d'atténuer le problème des effectifs, pour le Kremlin,
est de forcer ces jeunes conscrits à signer des contrats avec l'Armée russe,
a déclaré Oreshkin au Kyiv Independent. De cette manière, ils cessent
formellement d'être des conscrits et deviennent des "combattants
volontaires".
"Seule une personne sur cent peut refuser de signer un contrat sous
une telle pression", a-t-il déclaré.
Une offensive réussie? -
Toutefois, l'analyste politique basé en Russie a affirmé que la Russie ne
procéderait pas à une mobilisation de sitôt, parce qu'elle considère que
la situation sur la ligne de front est "satisfaisante".
Le Kremlin a adopté une approche rationnelle, et non émotionnelle,
et a décidé de ne pas réorienter d'importantes réserves de l'Oblast
de Donetsk, en Ukraine, vers l'Oblast russe de Kursk, lorsque l'offensive
ukrainienne a commencé, le 6 août 2024, a-t-il déclaré. Etant donné que
la Russie continue d'avancer dans l'Oblast de Donetsk, le Kremlin ne voit
pas la nécessité d'une mobilisation, selon l'analyste.
"Ils pensent qu'ils sont en train de gagner la guerre. Tant que tout se passe
bien, Poutine ne procédera pas à une mobilisation".
Le 5 septembre 2024, Poutine s'est vanté des prétendus succès militaires
russes, affirmant que l'Ukraine s'était "affaiblie" en lançant son offensive
dans l'Oblast de Kursk. L'Ukraine a transféré des "unités assez importantes
et bien entraînées" dans l'Oblast de Kursk, permettant ainsi aux troupes
russes d'accélérer leur offensive dans l'est de l'Ukraine, a affirmé Poutine.
En outre, le Kremlin n'a pas besoin d'annoncer une mobilisation maintenant
car "il semble qu'ils n'aient pas l'intention de récupérer les territoires
occupés [dans l'Oblast de Kursk dans un avenir proche], et il n'y a pas
besoin de grand-chose juste pour les tenir", a déclaré l'analyste basé
en Russie.
Le mécontentement croissant de l'opinion publique russe -
L'impopularité de la mobilisation est une autre raison pour laquelle elle
risque d'être reportée.
La cote de popularité de Poutine est passée de 83%, en août 2022,
à 77%, en septembre 2022, lors de la première mobilisation "partielle",
selon le Centre Levada.
Selon le Centre Levada, 47% des personnes interrogées ont ressenti
"de l'anxiété, de la peur et de la terreur" en raison de la première
mobilisation russe, en septembre 2022.
Oreshkin a déclaré que Poutine "évitera la mobilisation jusqu'au dernier
moment", parce qu'elle provoquerait un mécontentement social et une
chute de sa cote de popularité.
La mobilisation "affecterait tout le pays" et signifierait que "la guerre est
entrée dans chaque foyer", a déclaré Oreshkin au Kyiv Independent.
"Poutine pense que la nation russe entière le soutient. Il est important
que les sondages montrent qu'il fait tout ce qu'il faut", a déclaré Oreshkin.
https://assets.kyivindependent.com/content/images/2024/09/IMG_20240903_173039_793.webpUn soulèvement populaire en Russie est peu probable, en raison du régime
autoritaire sévère de la Russie, mais un tel mécontentement populaire
pourrait déclencher un coup d'Etat, a ajouté Oreshkin.
Kolesnikov a reconnu que la mobilisation serait extrêmement impopulaire.
"La mobilisation détruirait un contrat social non écrit selon lequel la paix
sociale est maintenue, parce que la majorité de la population masculine
n'est pas envoyée dans les tranchées et qu'en principe, la population russe
conserve la possibilité de mener une vie privée et de prendre ses distances
par rapport à la guerre", a-t-il déclaré. "Cela convient à la fois à la majorité
de la population et aux autorités russes".
Un autre facteur qui entrave la mobilisation est son impact économique.
"La mobilisation va objectivement frapper durement l'économie, il ne s'agit
plus seulement d'un problème politique", a déclaré l'analyste politique basé
en Russie. "Le pays est confronté à une grave pénurie de main-d'oeuvre".
L'humeur populaire russe -
Selon un sondage, réalisé en août 2024 par le Centre Levada, 24% des
personnes interrogées s'attendent à une deuxième vague de mobilisation,
dans les mois à venir, contre 18% en février 2024.
Le nombre de ceux qui pensent que la mobilisation est nécessaire est passé
de 10%, en février 2024, à 13%, en août 2024.
Selon le Centre Levada, 46% des personnes interrogées étaient inquiètes,
en août 2024, de la possibilité d'une mobilisation.
https://assets.kyivindependent.com/content/images/2024/09/GettyImages-1257504169.webpIvan, un conscrit russe potentiel, a déclaré au Kyiv Independent que,
si une mobilisation était annoncée, il essaierait de se rendre dans
une autre ville ou à l'étranger, à moins que "les frontières ne soient
fermées".
Il a indiqué qu'il avait déménagé en Géorgie pendant une courte période,
après l'annonce de la première mobilisation, en septembre 2022.
Konstantin, qui soutient la guerre d'invasion russe mais "ne veut pas
se battre lui-même", ne s'attend pas à être mobilisé. Il pense que
les autorités "ont organisé les choses, recruté autant de soldats sous
contrat que nécessaire, qu'elles continuent à recruter et qu'elles paient
bien pour un contrat".
Un troisième conscrit russe potentiel, Yury, a déclaré qu'il essaierait
d'éviter la conscription et qu'il envisageait de quitter le pays.
"Disons les choses comme elles sont: pendant encore une ou deux vagues
[de mobilisation], je passerai probablement au travers s'il n'y a pas de force
majeure, mais après cela, les risques d'être pris dans le pétrin augmentent
de manière significative", a-t-il déclaré.
Asami Terajima, journaliste au Kyiv Independent, a contribué à ce rapport.
Note de l'éditeur: Les noms des conscrits russes potentiels ont été
modifiés par crainte de représailles du Kremlin.
Auteur de cet article: Oleg Sukhov. Journaliste.
Oleg Sukhov est journaliste russe au Kyiv Independent. Il a été rédacteur
et reporter au Moscow Times. Il est titulaire d'une maîtrise d'histoire
de l'université d'Etat de Moscou. Il s'est installé en Ukraine en 2014,
en raison de la répression des médias indépendants en Russie, et a couvert
la guerre, la corruption, les réformes et l'application de la loi pour
le Kyiv Post.
o.sukhov@kyivindependent.comContributrice de cet article: Asami Terajima. Journaliste.
Asami Terajima est reporter au Kyiv Independent et couvre la guerre
d'invasion russe. Auparavant, elle a travaillé comme journaliste économique
pour le Kyiv Post, se concentrant sur le commerce international, l'énergie,
les infrastructures et les investissements et l'énergie. D'origine japonaise,
Asami a déménagé en Ukraine pendant son enfance et a obtenu sa licence
en administration des affaires aux Etats-Unis. Elle est lauréate du prix Kurt
Schork de la Fondation Thomson Reuters, en journalisme international 2023
[catégorie "reporter local"] et du prix George Weidenfeld, décerné dans
le cadre du prix Axel Springer 2023, en Allemagne. Elle a figuré sur la liste
"25 under 25: Young and Bold" 2023 de la Media Development Foundation,
qui répertorie les créateurs de médias émergents en Ukraine.
a.terajima@kyivindependent.com-- Blogosphere Calamity Jade - https://jacqueline-devereaux.blogspot.com/Guerre en Ukraine 2022 - https://guerre-en-ukraine-2022.blogspot.com/YouTube Jade Disco HD I - https://www.youtube.com/@JadeDiscoHDIYouTube Jade Disco HD II - https://www.youtube.com/@JadeDiscoHDIiYT Jade Docs & Movies I -
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https://www.pornhub.com/users/jadepornchannelCJ: "Parfois, pour faire triompher le bien, nous devons faire le mâle!"
CJ: "Je pense tout ce que je fais/dis, et donc je fais/dis tout ce que je pense!"