Lebref a émis l'idée suivante :
P Cormoran :
Comparer l’alliance actuelle avec les États-Unis à l’occupation nazie ou à une colonisation "américano-sioniste", c’est faire un parallèle historique très discutable — et franchement insultant pour ceux qui ont connu la vraie occupation, avec la terreur, la répression, les déportations et la censure totale.
Aujourd’hui, personne n’oblige les Européens à "acclamer" Netflix ou Coca-Cola sous la menace d’un fusil. Ce que vous décrivez n’est pas une occupation, c’est une influence culturelle et économique — qu’on peut critiquer, bien sûr, mais qui ne relève en rien d’une soumission militaire. Et surtout, les peuples d’Europe ont toujours *le droit de voter, de débattre, de changer de gouvernement* . C’est toute la différence entre un choix (même influencé) et une occupation imposée par la force.
Si les peuples sont influençables, ils sont aussi capables de discernement. Les prendre systématiquement pour des dupes, c’est au fond exprimer une défiance envers la démocratie elle-même. Or c’est bien cela que des régimes autoritaires aimeraient voir : des Européens convaincus que tout est faux, tout est joué d’avance. C’est un piège intellectuel — et politique.
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La démocratie bourgeoise n'est qu'une gigantesque manipulation d'opinion,
un lavage de cerveau permanent, une honteuse utilisation de tous les
moyens modernes de propagande et de conditionnement. >
Vous prétendez que les gens sont libres, mais s'ils l'étaient il est
totalement invraisemblable qu'ils accepteraient de voir leur revenus
stagner pendant que les fortunes - revenus et patrimoine - de l'oligarchie
explosent.
Vous décrivez un vrai malaise social, qui est largement partagé : creusement des inégalités, concentration des richesses, sentiment d’impuissance démocratique. Mais en tirer la conclusion que la démocratie n’est qu’une illusion ou une "gigantesque manipulation" revient à jeter le bébé avec l’eau du bain.
Oui, les démocraties occidentales sont imparfaites, traversées par des logiques de pouvoir, d’influence, de domination économique. Mais elles offrent aussi des contre-pouvoirs, des espaces de contestation, une presse indépendante (avec toutes ses limites), des élections libres, des syndicats, des recours juridiques. Ce ne sont pas des garanties absolues, mais ce sont des leviers que d’autres régimes interdisent tout simplement.
Les gens ne sont pas dupes — ils sont souvent résignés, désabusés, ou fatigués de promesses non tenues. Mais dire qu’ils ne sont pas libres du tout, c’est leur retirer aussi leur capacité à résister, s’informer, voter autrement, s’organiser. Et c’est cette résignation-là que les régimes autoritaires exploitent : "Vous voyez ? Votre démocratie ne vaut rien. Mieux vaut un régime fort."
En fait, critiquer le système est non seulement légitime, mais nécessaire — mais ça n’implique pas de rejeter la démocratie comme un tout. Ça implique au contraire de s’en saisir pour l’améliorer.
Ah, le bon vieux "capital international", "l’occupant américain" et la
"bourgeoisie collabo" : on se croirait dans un pastiche de tract
marxiste des années 70 retrouvé dans une cave de l’ORTF. Il ne manque
plus que la faucille et le marteau pour sceller le tableau.
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La chute de l'URSS - essentiellement causée par l'hémorragie de la seconde
guerre mondiale - a précipité le marxisme dans l'oubli, mais il faudra
bien reposer la question de la grande propriété privée, car c'est le noeud
de tous les problèmes, de toutes les dérives.
On peut tout à fait débattre du rôle de la grande propriété privée, des excès du capitalisme, et du poids des inégalités. Ce sont des sujets sérieux — et même cruciaux — pour penser l’avenir de nos sociétés. Mais poser la question n’implique pas forcément de reprendre les grilles de lecture des années 1950 comme si rien n’avait changé depuis. La réalité est plus complexe : les économies mixtes, les systèmes sociaux, les formes coopératives, les contre-pouvoirs existent. Tout n’est pas monopolisé par "la bourgeoisie" ou "le capital".
Le marxisme a posé des questions fondamentales — sur l’exploitation, les rapports de classe, le rôle de l’État — mais il a aussi été confronté à des échecs retentissants lorsqu’il s’est traduit en régimes politiques. Reposer les bonnes questions, oui. Reprendre les mêmes réponses sans en tirer les leçons de l’Histoire, non.
Ce n’est pas parce que le capitalisme a des dérives qu’il faut idéaliser ses opposants historiques. Le vrai défi, aujourd’hui, c’est d’inventer autre chose — pas de rejouer les vieux affrontements du XXe siècle.
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Blague à part, si tout est réduit à une lutte contre un "occupant"
fantasmé, alors tout devient illusoire : les élections, les opinions
divergentes, les mouvements sociaux, les médias indépendants — tout
serait factice, manipulé, vendu. Drôle de conception du réel, qui
consiste à nier toute complexité pour y voir un vaste complot piloté
depuis Wall Street ou Tel-Aviv. Mais bon, si ça permet de ranger tout le monde dans des cases
confortables — les traîtres d’un côté, les "éveillés" de l’autre — on
comprend que ce soit tentant. C’est plus simple que d’analyser ce qui se
passe vraiment.
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Ce qui se passe vraiment est ce que je décris crûment ; vous ne le vivez
pas, car vous êtes bloqué dans une représentation du monde dictée par des
gens riches et aisés, qui évoluent avec optimisme dans un univers où tout
leur sourit pusqu'ils le recomposent quotidiennement à leur profit.
Je ne vis pas dans un monde où "tout me sourit", et je ne défends pas un ordre établi par naïveté ou confort. Je constate simplement que réduire tout à une vision binaire — les riches manipulateurs d’un côté, le peuple lucide de l’autre — ne suffit pas à expliquer la complexité des rapports sociaux, économiques et politiques.
Oui, il y a des inégalités criantes. Oui, certains milieux concentrent pouvoir et influence, et cela mérite d’être critiqué. Mais non, cela ne signifie pas que tout est truqué, que personne n’est sincère, que tout débat est illusoire. Cette vision totalisante, où tout serait faux sauf ce que vous croyez avoir compris, ne permet ni d’analyser les faits, ni de construire des alternatives crédibles.
Je préfère l’examen critique à l’accusation globale. Parce que sinon, on en revient toujours à la même chose : désigner un "système" abstrait, le dénoncer sans nuances, et ne proposer, au fond, que de la colère. C’est peut-être satisfaisant sur le plan rhétorique, mais politiquement, ça mène où ?