Sujet : Re: Ukraine
De : pc (at) *nospam* ue.com (P Cormoran)
Groupes : fr.soc.politiqueDate : 14. May 2025, 17:58:37
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Après mûre réflexion, Lebref a écrit :
P Cormoran : >
Je ne nie pas que notre système ait ses verrous, ses angles morts, ses
dérives oligarchiques. Mais entre la critique nécessaire et le rejet
global, il y a une différence de nature. Parce que l’histoire nous a
aussi montré que l’obsession de "briser le système" au nom du peuple a
souvent accouché d’autres formes de domination, parfois bien pires. Je ne crois ni au Grand Soir salvateur, ni à la perfection libérale. Je
crois à l’espace — limité mais réel — que permet une démocratie pour
contester, réformer, résister, sans passer par le chaos. Ce n’est pas
glorieux, ce n’est pas pur, mais c’est vivable. Et c’est peut-être ça, la
vraie ligne de front aujourd’hui : entre ceux qui veulent améliorer, et
ceux qui veulent tout renverser, quitte à ne rien maîtriser de ce qui
vient après.
>
La démocratie bourgeoise est violente, d'une violence sourde et aveugle,
elle n'est pas si propre que vous essayez de le présenter, mais c'est
inévitable(*) car l'on peut faire tous les détours que l'on veut, on en
revient toujours au pouvoir qui est maudit(**) et qui salit(***). >
Détruire le pouvoir ou s'en emparer pour ne pas le laisser entre les mains
ennemis, voilà le dilemme.
>
---
>
* "Un peuple n'a qu'un ennemi dangereux, c'est son gouvernement." (Louis
Antoine de Saint-Just) >
** : "Le pouvoir est maudit, c'est pourquoi je suis anarchiste." (Louise
Michel) >
*** : "Moi j'ai les mains sales. Jusqu'aux coudes. Je les ai plongées dans
la merde et dans le sang. Et puis après ? Est-ce que tu t'imagines qu'on
peut gouverner innocemment ?" (Jean-Paul Sartre)
Je ne nie pas la part sombre du pouvoir. Sartre, Louise Michel, Saint-Just : leurs paroles résonnent parce qu’elles expriment une vérité profonde — le pouvoir corrompt, salit, brutalise. Mais si tout pouvoir est maudit, alors que fait-on du besoin d'organisation, de justice, de protection ? Qui garantit les droits ? Qui décide, et comment, quand les intérêts divergent ? L’Histoire nous enseigne que même les révolutions les plus sincères ont fini par devoir se structurer, donc exercer un pouvoir — souvent plus dur encore que celui qu’elles dénonçaient.
Oui, la démocratie libérale est imparfaite, et parfois violente dans ce qu’elle laisse perdurer — les inégalités, l'exclusion, l’inertie face à l’urgence sociale ou écologique. Mais contrairement à d'autres régimes, elle offre encore des espaces, certes limités, pour contester, freiner, réorienter.
Le dilemme que vous posez — détruire le pouvoir ou s’en emparer — est réel. Mais il me semble incomplet. Il y a une troisième voie : l'apprivoiser. Le limiter. Le surveiller. Le morceler. Le soumettre à des contre-pouvoirs. Pas parce que ce serait pur ou idéal, mais parce que c’est, jusqu’ici, ce que l’on a trouvé de moins pire pour éviter que la force brute ne l’emporte sur tout.
Vouloir tout renverser est une tentation noble quand on est écoeuré. Mais ce qui vient après, c’est rarement le vide libérateur. C’est souvent une autre verticalité, parfois plus féroce encore. C’est ce risque-là que je ne veux pas prendre à la légère.