Le 09/03/2022 à 00:19, Richard Hachel a écrit :
Le 08/03/2022 à 23:40, Cardinal de Hère a écrit :
Une contradiction logique c'est une impossibilité formelle.
C'est ce que je ne cesse pas de répéter aux hommes, physiciens ou théologiens.
Les physiciens s'occupent de la terre, les théologiens s'occupent du ciel.
Moi, j'essaye de tenir dans ma main le ciel et la terre.
Dans les deux cas, il y a toujours ce qu'on appelle la logique.
Le problème, c'est que d'un côté comme de l'autre, tout le monde prend cette logique à la rigolade.
C'est humain, je le sais.
Mais c'est quand même vachement triste de voir l'état débile des hommes et leur incroyable nombril dès que tu cherches à les élever un peu.
A ce compte toute abstraction serait mauaise et la science qui est fondée sur l'abstraction devrait être rejetée. Ce n'est pas raisonnable.
Ben si, au contraire, ce serait très raisonnable, et c'est d'ailleurs le premier commandement de Dieu et la faute d'Adam.
Il n'y a que DEUX fautes dans toutes l'histoire de l'humanité.
TOUT se résume à deux seules petites fautes.
La faute d'Adam contre Dieu qui est une faute d'abstraction.
La bible s'exprime par image, par comparaison, par mâschâl. Il faut donc comprendre ce que signifient :
- ha-adam et adam ;
- l'arbre de la connaissance du bien et du mal qui pousse au milieu de ce jardin d'Éden qu'est la terre pour l'homme à ses débuts ;
- le fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal ;
- manger le fruit de cet arbre ;
- le serpent qui tente l'homme.
Signification des élément du mâschâl :
- Ha-adam en hébreu c'est l'homme et sans l'article, adam, c'est l'humanité.
- L'arbre de la connaissance du bien et du mal c'est un ensemble de programmations qui guident l'homme en lui enseignant ce qui est bon pour lui et ce qui est mauvais pour lui.
- Le fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal c'est la conception du monde qui dérive de cet ensemble de programmations.
- Manger le fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal c'est assimiler dans son esprit la conception du monde qui découle de cet ensemble de programmations.
- Le serpent de Genèse 3 c'est le cerveau reptilien de l'homme où sont inscrites les programmations animales de l'être humain.
Le premier commandement que Dieu propose à adam (l'humanité) c'est : tu n'assimileras pas dans ton esprit la conception du monde qui découle des programmations animales inscrites dans ton cerveau reptilien car cet ensemble de programmations te fera mourir, non pas de la mort physique et empirique mais de la mort spirituelle. Le commandement est toujours accompagné d'une explication qui est connaissance de la finalité de la création : la vie spirituelle, la vie en Dieu.
Dieu explique donc à l'homme qu'il n'est pas comme les autres animaux entièrement soumis à ses programmations animales. Il a la liberté de choisir entre le commandement animal qui est inscrit dans sa nature humaine et le commandement qui est proposé par Dieu qui est Esprit.
Il faut bien comprendre qu'à ce stade le mal n'existe pas encore. Dieu a béni toute la création et l'a déclarée bonne, excellente. Y compris donc le serpent, l'arbre de la connaissance du bien et mal, son fruit et la capacité qu'a l'homme de l'assimiler dans son esprit.
Qu'est-ce que le mal, d'où vient le mal ? Après avoir instruit l'homme et lui avoir expliqué la raison du commandement Dieu se retire et laisse l'homme choisir entre le commandement spirituel et la programmation animale. Le mal c'est le choix libre et volontaire fait par adam d'assimiler dans son esprit et de pratiquer la programmation animale contre le commandement spirituel. L'humanité a cru qu'elle étancherait la soif d'absolu qui la dévore par ses propres forces, par les programmations animales et non par Dieu et ses commandements qui progressivement élèvent adam et ha-adam jusqu'à Lui.
La faute de Caïn contre Abel qui est un homicide.
Tout autre faute n'est qu'une copie des ces deux-là.
Pour comprendre le meurtre d'Abel par Caïn il faut se demander se qui se passe quand l'homme (ha-adam) et l'humanité (adam) a rejeté Dieu pour placer sa foi en la chair. L'homme a par création le désir de voir son Créateur, désir qui se confond avec la certitude de son incomplétude (l'homme n'est pas terminé, il est inachevé et il a le profond désir de devenir un dieu).
Le désir de voir dieu a une structure triangulaire. Avant la chute les trois sommets du triangle sont :
- le sujet c'est-à-dire la créature humaine,
- Dieu qui par nature possède la divinité et propose à adam de la recevoir progressivement en assimilant son enseignement et en pratiquant ses commandements,
- l'objet du désir du sujet qui est la divinité.
Quand ha-adam et adam chutent ils ont choisi de placer leur certitude dans la chair, la nature humaine et non en Dieu. En se détournant de Dieu tout homme (kol basar, littéralement toute chair) condamne à la frustration son désir de voir Dieu. Le désir subsiste mais il ne peut plus être assouvi. Comme ha-adam et adam ont placé leur foi en l'homme c'est en l'homme qu'ils cherchent cet absolu qui se dérobe. Mais tout homme sait qu'il est privé de l'Absolu puisqu'il ressent dans sa chair la frustration. C'est donc en l'homme mais hors de lui que tout homme cherche l'Absolu. Dit autrement le désir de voir Dieu est devenu envieux après la chute ! Ce désir de voir Dieu aliéné par le rejet de Dieu au point de devenir envieux a été appelé désir mimétique ou désir envieux par René Girard.
La structure du désir mimétique est toujours triangulaire. Les trois sommets du triangle sont :
- le sujet c'est-à-dire la créature humaine,
- le modèle c'est-à-dire l'être humain qui remplace Dieu pour l'homme, l'être humain qui est censé posséder en lui la divinité qui se dérobe,
- l'objet du désir reste toujours la divinité.
Le désir mimétique a une structure synchronique triangulaire et une structure diachronique (dans le temps) spiralée, en forme de spirale. Prenons un exemple pour mieux le comprendre.
Adampé est un footbaliste célèbre, un vrai dieu pour Adamqu. Adamqu se demande d'où Adampé tient sa divinité. Il le voit qui roule en Lada-Champion et il se dit in petto : c'est la Lada-Champion, c'est elle la source de sa divinité. Et Adamqu achète avec ses petites économies une Lada-Champion. Après avoir paradé quelques heures ou quelques jours à son volant Adamqu se rend compte qu'il est toujours aussi frustré. Et il se dit in petto : "Je me suis trompé, ce Adampé c'est un imbécile pareil que moi. Comment ai-je pu croire que ce footballiste débile était d'essence divine !" Et Adamqu inspiré par ce premier échec se mettra à chercher un autre modèle, un autre dieu à jalouser. Mais instruit par son premier échec il se mettra à le jalouser pour une chose plus difficile à obtenir, une chose qui ne peut pas se partager, l'amour d'une mouquère par exemple. Adamqu prendra pour modèle Adamo dont la mouquère est l'affriolante Adama qui est tout simplement divine. Et Adamqu entrera en concurrence avec Adamo pour l'amour de Adama.
C'est cela la spirale du désir mimétique : le sujet reproduit le même pattern mais en le décalant du fait des échecs précédents. On constate que cette spirale qui commençait de manière bénigne tend très vite à devenir maligne avec des haines et des affrontement chaque fois plus grands. Au fur et à mesure que le sujet échoue dans sa quête de l'Absolu au sein de l'humanité ses rapports deviennent de plus en plus conflictuels. Tout devient prétexte à rivalité : une place de parking, un papier jeté par la fenêtre d'une voiture, un mauvais regard... Il arrive un moment où le désir mimétique devient collectif. Je ne connais qu'un seul film ayant réussi l'exploit de montrer une crise collective : Blow Up qui porte justement sur la mimesis (la fameuse partie de tennis sans balle ni raquette, l'imitation de la pauvreté pour pouvoir photographier les pauvres de l'intérieur). Voici la scène centrale qui montre la transformation du désir mimétique individuel en désir collectif :
https://www.youtube.com/watch?v=_zeza1xeWKMJ'étais presque un enfant quand j'ai été traîné au cinéma par un ami de mon âge, féru de films. Je n'ai bien sûr pas compris grand chose au film et mon ami non plus. Il avait besoin de moi pour avoir une confirmation du caractère judicieux de son admiration pour les vedettes et metteurs en scène. Je n'ai pas voulu le décevoir. Ce n'est que bien plus tard, après avoir lu et relu Girard que j'ai enfin eu l'illumination et que j'ai compris cette scène.
On a la structure triangulaire partout dans cette scène : les vedettes sur scène en train de faire leur cinéma sont les modèles, les sujets sont dans la salle, tous éperdument amoureux des divins Yarbirds qui font les kékés sur scène. L'un des guitaristes a un problème de son et il commence à entrer en rivalité avec la grosse baffle derrière lui. Il montre qu'il est lui-même frustré ! Puis subitement sa rage se détourne contre la guitare qu'il se met à détruire devant les spectateurs. Ce comportement fou conduit à la destruction sacrificielle et à l'apaisement du dieu. Et survient le moment important qui va faire entrer en ébullition cette masse en apparence dormante : le jet du manche de la guitare détruite. C'est ça l'objet du désir : le dieu sur scène offre-t-il aux spectateurs l'objet dont il est censé tenir sa divinité de virtuose de la guitare ? Je pense que non car en détruisant la guitare le guitariste rejette l'imperfection sur elle et affirme que la divinité est en lui et non en sa guitare. Mais pour la masse ce manche dérisoire devient le symbole d'une divinité présente au sein de la masse humaine et non plus du guitariste. Aussitôt chaque sujet devient un concurrent de tous les autres. Celui qui tient la guitare détruite est la cible de tous les autres. Et une fois qu'il est parvenu à s'extraire du lynchage sans dommage on constate que l'objet, la guitare détruite, n'a plus aucune importance pour lui. Elle finit dans le caniveau ! La frustration demeure et la quête du sujet, le photographe, reprend.
Dans une crise mimétique véritablement intense l'objet se confond avec le modèle. Le sujet désire l'être même de son modèle. C'est ce qui s'est passé entre Abel et Caïn. Le sacrifice de Abel a été agréé par Dieu, celui de Caïn ne l'a pas été. Caïn a voulu s'emparer de force de cette chose à peine perceptible qui s'est peut-être manifestée par la satisfaction après un bon repas de viande dans le clan d'Abel (la viande sacrifiée par Abel) contre un triste repas de légumes dans le clan de Caïn (les végétaux sacrifiés par Caïn). L'histoire ne le dit pas mais la rivalité entre les deux frères semble avoir été particulièrement intense. On constate d'ailleurs aujourd'hui que les animalistes et les végétaliens qui refusent de manger de la viande sont parfois extrêmement violents. La bible contient ainsi des enseignements stupéfiants par la compréhension inouïe des phénomènes mimétiques. Le jugement de Salomon en 1R 3,16-28 par exemple ou encore la scène du sacrifice qui suit l'annonce de la naissance de Shimshon le nazir en Jg 13. Ou encore la non lapidation de la femme infidèle en Jn 8. Ou encore les scènes de guérison miraculeuse de Jésus dont certaines sont nécessairement collectives parce que la victime est un bouc émissaire, il faut donc soigner et le bouc émissaire et ses persécuteurs. Et bien entendu la plus grande, la plus géniale : la passion de Jésus et sa mort sur la croix.