Les deux acceptions de la foi

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Sujet : Les deux acceptions de la foi
De : cardR (at) *nospam* gmail.com (Cardinal de Hère)
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Date : 22. Oct 2022, 00:20:40
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1. Comment se pose le problème des deux fois
Bien que je voue une admiration sans borne à Claude Tresmontant et à son oeuvre je ne suis pas entièrement d'accord avec sa définition de la « emounah » traduite par la « foi » en français courant et par la « certitude de la vérité qui est en Dieu » par Tresmontant. Bien entendu la traduction de Tresmontant est infiniment meilleure que la traduction usuelle. La emounah est bien la certitude de la vérité qui est en Dieu. Et Tresmontant a raison de dire que dans sa forme achevée et parfaite cette certitude qui provient de Dieu, qui est un don de Dieu, s'adresse à la raison humaine et la pénètre de la même manière qu’une démonstration mathématique pénètre la raison. Mais cette foi parfaite n'est pas la seule.
Le XXe siècle a connu deux géants de la pensée chrétienne. Le premier est sans conteste Tresmontant. Le second est René Girard qui a découvert et compris des enseignements extrêmement ardus de l’ancienne comme de la nouvelle alliance. Girard permet de comprendre l’autre acception de la « emounah ». C’est cette autre acception que je vais tenter d’esquisser dans ce très court texte.
2. La emounah au sens girardien
Avant de lire Tresmontant je croyais être chrétien mais je ne l’étais pas vraiment parce que je ne comprenais pas véritablement le christianisme. J’avais une foi imparfaite, qui n’avait pas pénétré ma raison mais qui procédant du sacrifice de Jésus sur la croix s’adresse à la chair pour la forcer à croire dans la nature divine du Christ, unie sans séparation ni confusion à sa nature humaine. Quand Tresmontant dit que la chair, la nature humaine, est bonne car créée par Dieu il a absolument raison. Le mal ce n’est pas la chair, le mal ce ne sont pas les programmations animales inscrites dans notre cerveau reptilien. Le mal est purement spirituel : c’est le choix absolument libre et volontaire que l’esprit humain fait lorsqu’il reçoit, assimile et pratique les programmations animales inscrites dans le cerveau reptilien, le fameux serpent de Genèse, contre les programmations spirituelles que l’Esprit lui propose. Le mal n’est pas l’animalité, voulue, créée et bénie par le Père. Le mal consiste à choisir ce qui est transitoire, ce qui n’existe que pour que l’homme puisse venir librement et volontairement à Dieu en accueillant l’Esprit dans son esprit. D’ailleurs c’est dit dans la torah !
Deutéronome 30,15-16
15  Vois, je mets aujourd’hui devant toi la vie et le bien, la mort et le mal.
16  Car je te prescris aujourd’hui d’aimer l’Éternel, ton Dieu, de marcher dans ses voies, et d’observer ses commandements, ses lois et ses ordonnances…
Pourquoi l’Éternel procède-t-Il ainsi ? Parce qu’Il veut faire de nous des dieux, des fils du Très-Haut (Ps 81,6 pour les catholiques, Ps 82,6 pour les juifs et les protestants). Or un dieu est libre, un fils du Très-Haut partageant la vie de l’Absolu est libre, absolument libre. Et la liberté absolue que YHWH veut pour nous ne s’impose pas ! « Sois libre » ou « Je t’ordonne d’être libre » est une contradiction. Et c’est pourquoi Dieu nous propose le but de la création. Comme l’enseigne Tresmontant à la suite de la tradition hébraïque juive ou chrétienne il y a au moins deux étapes dans la création :
- la création par le Parler (ha-dabar en hébreu, ho logos en grec) au cours de laquelle Dieu impose l’information créatrice qui structure, fait exister et fait évoluer le monde et tout ce qu’il contient ;
- la création par l’Esprit (ha-ruah en hébreu, ho pneuma en grec) par laquelle YHWH propose à l’esprit de ha-adam l’information spirituelle qui métamorphose l’homme créé animal en une créature spirituelle unie au Père et au Fils (l’homme Jésus) dans l’Esprit.
La chair est donc bonne. Ce qui est mauvais c’est la conception du bien et du mal qui résulte de la réception, de l’assimilation et de la pratique par ha-adam des programmations animales qui procèdent du serpent. Car cette conception du bien et du mal est incompatible avec celle de Dieu. Pourquoi Dieu l’a-t-il inscrite dans notre chair ? Afin qu’ayant le choix nous soyons libres, absolument libres de venir à Lui.
La grande découverte de Girard c’est que le sacrifice du Christ par les Goïm a forcé ces derniers à avoir « la certitude » que Jésus est Dieu. Car ha-adam divinise ses boucs émissaires lynchés lors des crises mimétiques graves que traverse l’humanité. Pourquoi ha-adam a-t-il cette certitude ? Parce que c’est une programmation animale inscrite dans notre cerveau reptilien ! Et c’est grâce à cette programmation que les Goïm ont eu la certitude que Jésus est Dieu. Mais cette certitude qui provient de la chair n’est pas le salut. Car le salut ne provient que de l’Esprit. Si l’homme a la certitude que Jésus est Dieu parmi nous, s’il a la certitude qu’il a en lui l’Esprit qui est le Père, cela ne suffit pas à le sauver. Pire encore si sachant que Jésus est Dieu il rejette l’Esprit alors il se perd. Péché contre l’Esprit n’a pas de pardon, non pas que Dieu soit cruel mais parce que ha-adam a rendu inutile ce qui sauve : le sang, c’est-à-dire la vie dans le système de représentation des Hébreux, du Christ. Celui qui rend inutile le don de la vie consenti par le sacrifice libre et volontaire de Jésus, celui-là se perd.
Il existe donc une foi qui naît du sacrifice de Jésus. Cette foi n’est pas pleinement rationnelle. Elle l’est même fort peu voire pas du tout. Cette foi est-elle mauvaise ? Absolument pas ! Elle est bonne, excellente, voulue par Adonaï, bénie par Lui. Elle est nécessaire pour avoir la certitude que le très difficile enseignement donné par Jésus, difficile car il heurte de front notre animalité, provient de Dieu, est bon, salutaire et mérite l’effort pour tenter de l’assimiler et de le pratiquer avec l’aide de Dieu bien évidemment. C’est dans cette lutte acharnée de ha-adam contre son animalité que se forge l’union entre l’Incréé et la créature humaine.
La raison pour laquelle le christianisme est tellement difficile à comprendre c’est que nous ne méritons pas le don de Dieu. Par contre notre combat au côté de Dieu pour vaincre le serpent en nous, pour consentir à sa crucifixion, ce combat dans lequel Dieu nous soutient même quand nous avons l’impression qu’Il nous abandonne, ce combat crée notre mérite aux yeux du Très-Haut. C’est en ceci que nous devenons nous aussi créateurs.
3. Sources évangéliques pour la foi au sens girardien
Les évangiles sont cités dans la traduction et l’annotation de Tresmontant
Chez Matthieu :
Mt 11, 12
12  depuis les jours de iôhanan
qui plonge [les gens dans les eaux]
jusqu'à maintenant
le royaume des cieux est pris de force
et ce sont les violents qui s'en emparent de force
notes du verset Mt 11,12
Depuis les jours de lohanan... La question est de savoir si, dans la pensée du Rabbi, le fait que le royaume des cieux soit pris de force et que les violents s'en emparent, est une bonne chose, ou une mauvaise ? — S'agit-il de ceux qui prétendent à tort inaugurer le règne de Dieu par la force, par la violence ? — Ou bien s'agit-il de ceux qui entrent violemment — et ils font bien — dans l'économie de la nouvelle création, qui est le royaume des cieux ? — Le même propos est rapporté par Luc 16, 16 en des termes différents et dans un tout autre contexte : La torah et les prophètes, jusqu'à lohanan. A partir de ce moment-là le royaume de Dieu est annoncé et tout homme s'efforce d'entrer dans le royaume de Dieu de force, avec violence. — Ce qui prouve une fois de plus que nous avons affaire à un ou plusieurs recueils de notes et que les notes n'étaient pas classées dans le même ordre. Matthieu et Luc rapportent le même propos dans des contextes différents. Chacun traduit comme il l'entend.
Chez Luc :
Luc 14, 22-23
22 et alors [après cela] il a dit le serviteur
maître
c'est fait ce que tu as commandé
et il y a encore de la place
23 et il a dit le maître à son serviteur
sors sur les routes et [va] aux clôtures
et force [les gens] à entrer
afin qu'elle soit remplie ma maison
Luc 16,16
la tôrah et les prophètes jusqu’à iôhanan et à partir de ce moment-là l’heureuse nouvelle du règne de dieu est annoncée et tout homme est forcé d’y entrer
Note du verset Lc 16,16
Et tout homme est contraint d'y entrer... Traduction provisoire, conjecturale et incertaine. Nous appuyons notre conjecture sur Luc 14, 22: Et force-les à entrer. — Le verbe grec biazô, user de force ou de violence, moyen biazomai, user de violence, presser avec force, traduit plusieurs verbes hébreux qui signifient en effet l'insistance, la contrainte, la violence, le viol, Genèse 33, 11 ; Exode 19, 24; Deutéronome 22, 25, le viol; Deutéronome 22, 28; Juges 13, 15, retenir avec insistance; Juges 13, 16, idem, forcer; Juges 19, 7, insister ; 2 Samuel 13, 25, insister ; 2 Samuel 13, 27, idem ; 2 Rois 5, 23, insister. Esther 7, 8, faire violence à une femme, la reine Esther. — Nous pouvons donc retenir le sens forcer, presser, insister. — La question ouverte est de savoir s'il faut comprendre : tout homme est forcé, contraint d'entrer. — Ou bien : tout homme s'empare avec violence du règne ou du royaume de Dieu; et dans cette seconde conjecture, la question est de savoir si cela est pris dans un sens positif, favorable, louable, ou négatif. — Ce propos ne se rattache pas aux précédents. C'est une fiche qui se trouvait là, dans le dossier de notes que traduit notre traducteur inconnu. Le même propos se retrouve dans un tout autre contexte, ou sous-ensemble, Matthieu 11, 11. La traduction de Matthieu est plus complète. Marc ne rapporte pas ce propos.
4. Conclusion
Tresmontant a vu le problème. Mais il ne l’a pas compris pleinement car il ne connaissait pas l’oeuvre de Girard et donc il lui manquait le mécanisme biologique, animal, qui force l’homme à diviniser ses boucs émissaires lynchés.
La physique a connu deux révolutions au XXe siècle : la relativité restreinte de Poincaré suivie de la relativité générale de Hilbert ; la mécanique quantique de de Broglie, Heisenberg et Schrödinger. La synthèse entre la RR-RG d’une part et la MQ de l’autre a été faite très rapidement. Par contre la synthèse entre les deux géants de la pensée chrétienne du XXe siècle, encore plus importants que Saint Augustin ou Saint Thomas, est lente à se faire car l’intelligence et la passion ont déserté la Chrétienté qui passe plus de temps à regretter la pédérastie et la pédophilie de certains de ses prêtres qu’à faire progresser la raison catholique. Il faudrait cesser de perdre son temps à contempler les turpitudes de certains pour se consacrer à la compréhension et à la diffusion de l’oeuvre des grands penseurs catholiques.

Date Sujet#  Auteur
22 Oct 22 * Les deux acceptions de la foi2Cardinal de Hère
22 Oct 22 `- Re: Les deux acceptions de la foi1Rambo

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