Les drones ukrainiens incendient les raffineries de pétrole de la Russie,
mais pas son économie.
Les frappes de drones ukrainiens sur l'industrie pétrolière russe ont réduit
les capacités de raffinage du pétrole et remonté le moral des Ukrainiens,
mais n'ont pas encore fait de différence stratégique dans la guerre contre
la Russie.
https://kyivindependent.com/ukrainian-drones-are-burning-russias-oil-refineries-but-not-its-economy/[Article du Kyiv Independent, publié par Dominic Culverwell, 19/09/2024, 19:11]
Les attaques de drones ukrainiens contre les raffineries de pétrole russes
tentent de réaliser ce que les sanctions occidentales n'ont pas pu faire:
réduire à néant ce qui alimente la machine de guerre russe et l'épine
dorsale de l'économie russe, en écho à la campagne de bombardements
stratégiques des Alliés, contre l'industrie pétrolière et le complexe
militaro-industriel allemands, pendant la Seconde Guerre mondiale.
Depuis le début de 2024, les drones ukrainiens ont touché environ
33 installations pétrolières, principalement des raffineries, en Russie,
a indiqué le groupe OSINT Liveuamap au Kyiv Independent. Bien que Kyiv
n'ait pas confirmé le nombre exact, le président Volodymyr Zelensky
a déclaré en juin que plus de 30 cibles pétrolières ennemies avaient été
touchées, certaines dans des régions limitrophes de l'Ukraine, à proximité
de zones de rassemblement militaires russes, et d'autres à une profondeur
pouvant atteindre 1,500km, loin à l'intérieur du territoire ennemi.
Les raffineries de pétrole, qui transforment le pétrole brut russe en produits
tels que l'essence et le diesel, sont la vache à lait du Kremlin. Selon le Center
for Research on Energy and Clean Air (CREA), le mois dernier, la Russie
a gagné environ 520 millions de dollars par jour grâce aux exportations
de pétrole brut et aux exportations maritimes de produits pétroliers.
https://assets.kyivindependent.com/content/images/2024/09/IMG_20240919_185945_824.webpLes vidéos virales de drones kamikazes percutant des raffineries russes
ont remonté le moral des Ukrainiens, et ébranlé le Kremlin. Toutefois,
l'impact tangible n'est peut-être pas aussi important que l'Ukraine
l'espérait au départ. Si les compagnies pétrolières russes ont dépensé
des dizaines de millions de dollars pour réparer leurs installations, ce n'est
qu'une goutte d'eau dans l'océan comparé à leur chiffre d'affaires de
plusieurs milliards de dollars.
Si la campagne ukrainienne a considérablement réduit le volume de
raffinage du pétrole russe, "cela n'a pas eu d'effet stratégique majeur
sur la Russie", a déclaré un responsable occidental au Kyiv Independent
sous couvert d'anonymat.
"Ces frappes visent principalement les installations de raffinage russe
de carburant, qui soutiennent les forces russes sur le front ukrainien,
plutôt que l'économie russe dans son ensemble.
Les drones ukrainiens peuvent voler sur de plus grandes distances que
jamais auparavent, ce qui met en ligne de mire plus de la moitié de
la capacité totale russe de raffinage, qui s'élève à environ 3.7 millions
de barils par jour, selon un rapport de l'Oxford Institute for Energy
Studies (OIES), basé au Royaume-Uni.
Poutine affirme que les frappes ukrainiennes ne changent pas grand-
chose et a déclaré la semaine dernière qu'elle avait amélioré sa défense
antiaérienne. Toutefois, le secteur pétrolier russe a classé ses données
de production et de rendement, ce qui laisse supposer que la situation
pourrait être pire que ce qu'il laisse entendre, selon Talya Vatman,
responsable du programme Russie, Caspienne et Mer Noire, à l'Agence
internationale de l'énergie (AIE).
https://assets.kyivindependent.com/content/images/2024/05/Smolensk2.webp"Alors que toutes les déclarations des compagnies pétrolières russes et
du Kremlin vont dans le même sens, affirmant qu'"il n'y a pas d'impact",
cette décision ressemble à une décision stratégique qui pourrait impliquer
que la production a été touchée", a-t-elle déclaré au Kyiv Independent.
Selon Mme Vatman, la frappe du 1er septembre 2024 contre la raffinerie
de pétrole russe de Gazprom Neft entravera "considérablement"
sa capacité de production, après qu'un incendie dans l'unité de raffinage
Euro+ a forcé l'arrêt des opérations.
Bien que la campagne de bombardements ukrainiens en Russie n'ait pas
modifié les prix mondiaux des produits pétroliers, Vatman a déclaré que
les attaques ukrainiennes pourraient nuire à la fiabilité des importations
de produits pétroliers russes. En réaction, les négociants pourraient se
détourner de la Russie et chercher d'autres sources plus stables.
L'industrie russe des carburants inflammables ébranlée, mais pas anéantie -
Mais les négociants qui continuent d'importer du brut et des produits
pétroliers russes bon marché n'ont probablement pas peur de la volatilité
et des risques, selon Sergey Vakulenko, chercheur principal au Carnegie
Russia Eurasia Center, et ancien responsable de la stratégie et de
l'innovation chez Gazprom Neft.
Il a noté que les effets des attaques ukrainiennes ont été les plus forts
après une campagne intensive de bombardement de drones, menée par
l'Ukraine en mars 2024, qui a ciblé 14 raffineries russes. La production
russe d'essence a chuté, de 850,000 tonnes métriques par mois,
à 770,000 tonnes métriques en avril et mai 2024, selon le CREA. En juillet
2024, le raffinage du pétrole russe avait diminué d'environ 17%, a déclaré
un responsable de l'OTAN, à la presse internationale.
La Russie a depuis rebondi, après les attaques ukrainiennes de mars 2024,
et les exportations maritimes russes n'ont cessé d'augmenter, depuis mai
2024. Elles sont encore inférieures aux niveaux des quatre premiers mois
de 2024, probablement en raison des restrictions imposées par l'OPEP+,
pendant l'été 2024, et de la prolongation de l'interdiction des exportations
d'essence par le gouvernement russe jusqu'à la fin de l'année 2024.
"Cette mesure a été prise dans le passé lorsque l'équilibre entre l'offre
et la demande d'essence était très serré et que les autorités craignaient
une hausse des prix sur le marché intérieur", a déclaré Vatman.
https://assets.kyivindependent.com/content/images/2024/09/IMG_20240917_192346_542.webpAlors que les volumes d'exportations maritimes russes se sont améliorés,
leurs revenus ont chuté de 7% d'un mois sur l'autre en août, selon l'ACI.
Selon Vakulenko, la baisse des revenus est moins liée aux attaques qu'à
la chute des prix du pétrole au niveau mondial.
En fin de compte, le secteur pétrolier russe est trop important pour ressentir
un impact substantiel des attaques de drones ukrainiens, a écrit Vakulenko,
dans un rapport de Carnegie. Bien que les drones soient rentables, ils ne
peuvent transporter que des charges de 5kg à 50kg d'explosifs, ce qui est
suffisant pour endommager les parties sensibles des raffineries russes,
comme les tours de distillation, mais pas assez pour les anéantir
complètement.
La situation pourrait changer si l'Occident autorise l'Ukraine à utiliser
des missiles à longue portée de fabrication occidentale dans la profondeur
du territoire russe. Les missiles peuvent transporter des centaines de kgs
d'explosifs, et infliger des dégâts bien plus importants, a déclaré Vakulenko.
Toutefois, il est peu probable qu'ils puissent détruire plusieurs raffineries
de pétrole à la fois, a-t-il ajouté.
En outre, les missiles sont coûteux, chaque exemplaire coûtant plus d'un
million de dollars, et il est peu probable que l'Ukraine les utilise pour détruire
des installations telles que des raffineries de pétrole, car cela pourrait
également poser des problèmes politiques avec l'Occident", a déclaré
Sascha Bruchmann, chercheur invité à l'International Institute for Strategic
Studies (ISS), basé à Londres, au Kyiv Independent.
Mais les missiles ukrainiens pourraient mettre à mal les systèmes
de défense antiaérienne russes, ce qui obligerait le Kremlin à déplacer
les systèmes restants loin des ressources pétrolières et plus près
de la ligne de front, a-t-il ajouté. Cela pourrait ouvrir la voie à des flottes
ou des essains de drones, avec des charges utiles plus importantes, pour
pénétrer dans l'espace aérien russe sans être détectés", a-t-il ajouté.
"Les missiles et les drones se renforcent mutuellement, et donnent aux
militaires ukrainiens une plus grande flexibilité", a-t-il ajouté. Jusqu'à
présent, les attaques se sont concentrées sur le raffinage du pétrole
plutôt que sur les installations d'exploration et de production. Les drones
ukrainiens ont également touché les infrastructures électriques russes,
qui pourraient également être la cible de missiles à longue portée visant
à couper les industries militaires et de défense de la Russie.
Même si l'Ukraine parvient à détruire toutes les raffineries à sa portée,
Vakulenko affirme que la Russie peut encore couvrir ses besoins
militaires, domestiques et économiques et qu'elle pourrait se tourner
vers la Biélorussie voisine pour compenser les pertes subies.
https://assets.kyivindependent.com/content/images/2024/04/GettyImages-459985760.webpCela ne signifie pas que l'industrie pétrolière russe soit à l'abri. Les embargos
occidentaux commencent à se faire sentir, ce qui entraîne un allongement
des distances d'exportation et une augmentation des coûts de transport
pour les entreprises russes, ce qui réduit leurs bénéfices et, par conséquent,
les taxes pour le budget de l'Etat russe, a déclaré Petras Katinas, analyste
de l'énergie au CREA, au Kyiv Independent.
Les sanctions occidentales entravent également la capacité de l'industrie
pétrolière russes à moderniser ses systèmes informatiques, qui reposent
sur des technologies occidentales. Selon Katinas, les entreprises russes
pourraient être confrontées à des difficultés opérationnelles et
à un manque d'efficacité si elles n'ont pas accès à des remplacements
ou à des mises à jour, ce qui entraînerait des perturbations dans
les capacités de raffinage et de production.
Moscou est également aux prises avec des compagnies pétrolières qui
cherchent subrepticement à accroître leurs profits, affirme Katinas.
Certaines sociétés achètent de l'essence à des prix intérieurs plus bas
et la revendent plus cher, à l'étranger, ce qui fait grimper la demande
intérieure et les prix.
Donner la priorité aux marchés haut de gamme, comme la Chine, l'Inde
et la Turquie, permet aux entreprises de réaliser des bénéfices plus
importants, mais "sape la stratégie du gouvernement visant à équilibrer
les besoins nationaux et les pressions du marché international",
a déclaré Katinas.
"Bien qu'un effondrement complet du secteur pétrolier russe soit peu
probable à court terme, il est confronté à des risques et des défis
importants, qui pourraient conduire à un déclin à long terme",
a-t-il ajouté.
Russia's oil sector still has its claws on Hungary
[The Kyiv Independent] (13/09/2024) -
https://www.youtube.com/watch?v=didH-EyYkTM (6m24s)
Auteur de l'article: Dominic Culverwell. Journaliste.
Dominic Culverwell est le journaliste économique du Kyiv Independent.
Il a écrit pour un certain nombre de publications, dont le Financial Times,
bne IntelliNews, Radio Free Europe/Liberty, Euronews et New Eastern Europe.
Auparavant, Dominic a travaillé avec StopFake en tant qu'expert en
désinformation, démystifiant les fakenews russes en Europe.
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[Guerre Russie-Ukraine] Les drones ukrainiens incendient les raffineries de pétrole de la Russie, mais pas son économie - 19/09/2024